Tout le monde vous le dira, il n’est plus possible de voyager par bateau. L’époque où les grands paquebots sillonnaient les océans est révolue. C’était au temps des télégrammes, des tourne-disques à manivelle, des casques coloniaux et des films muets. C’était l’époque où l’on fumait partout et où le tourisme était l’affaire d’un petit pourcentage de privilégiés.
Il reste les bateaux de croisière, mais ces centres commerciaux flottants qui déversent leur cargo de touristes en chemise à fleurs ne m’ont jamais attiré. Certains voyagent sur les cargos qui embarquent une dizaine de passagers. Vu la demande, ce genre de voyage est devenu cher et vu la rapidité avec laquelle les conteneurs sont chargés et déchargés, les escales ne durent que quelques heures dans des zones industrielles portuaires souvent éloignées des centre-villes.
En Europe, heureusement, il y a le « merroutage ». Ce néologisme désigne le transport de camions par bateau. Il s’agit de traversiers, mais alors que les ferries ordinaires ne servaient qu’à franchir une étendue d’eau de courte distance, Calais-Douvres, par exemple, ces nouveaux services permettent aux camions de faire par mer des trajets qui peuvent être effectués par voie terrestre. C’est moins cher et parfois plus rapide. Un camion peut ainsi utiliser un bateau pour se rendre de Barcelone jusqu’en Italie en 24 heures, évitant ainsi les péages sur les autoroutes françaises et italiennes, sans compter l’économie de carburant. L’Union européenne encourage fortement ce type d’initiatives pour désengorger les routes et réduire la pollution. Au lieu d’aller en Grèce par la route en traversant tous les pays de l’ancienne Yougoslavie, il est maintenant possible d’embarquer sur un ferry à Trieste (près de Venise) et de débarquer 24 heures plus tard dans le port grec de Patras. Il existe aussi des traversiers qui desservent les ports du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie à partir des ports espagnols, français et italiens.
Pour les compagnies maritimes, la viabilité économique est assurée par le transport de camions et de voitures. Les passagers sans véhicule sont la cerise sur le gâteau. Voyageant en dehors de la haute saison touristique, je n’ai jamais réservé à l’avance. Les jeunes routards qui veulent économiser leurs sous dorment sur les banquettes du bar ou sur les fauteuils genre siège d’avion. Mes vieux os ayant besoin d’un peu plus de confort, je prends toujours une cabine. Les prix sont généralement très raisonnables. Par exemple, Palerme-Gênes, 20 heures, 122€ avec cabine, ce qui est moins cher que de faire le trajet en train avec une nuit d’hôtel. Cependant, la nourriture n’est pas comprise et les cafétérias à bord de ces bateaux sont chers et souvent de médiocre qualité.
Après avoir sillonné une bonne partie de l’est de la Méditerranée en bateau et essayé d’autres routes comme celle qui relie l’Angleterre à l’Espagne, j’ai hâte d’en faire d’autres, entre la Scandinavie et la Grande-Bretagne, par exemple. Les magazines spécialisés dans l’industrie maritime parlent de nouvelles routes qui sont actuellement à l’étude, notamment d’un service entre l’ouest de la France et le Portugal et d’un autre entre Marseille et Istanbul. Contre toute attente, il y a donc des régions du monde où voyager par bateau redevient possible.