Alors que les États-Unis viennent de légaliser le mariage gay, au Canada il est entré dans les mœurs depuis 10 ans. Mais ce droit accordé aux homosexuels n’a pas aboli l’intolérance qui surgit encore parfois par soubresaut. Y compris à Vancouver.
Antony Porcino et Tom Graff, les premiers mariés de la côte Ouest
En juin 2003, l’Ontario avait été la première province à considérer que refuser le mariage aux homosexuels était contraire à la Charte canadienne des droits et des libertés. Un mois plus tard, la Colombie-Britannique faisait de même. Dans la foulée, Antony Porcino et Tom Graff échangeaient leurs vœux, devenant les premiers mariés de la côte Ouest.
Dix ans après cette (r)évolution et alors que les états voisins viennent d’entamer la leur, qu’en reste-t-il ? Le combat en valait-il la peine ? Le mariage gay au Canada a-t-il contribué à changer les mentalités ? Scott Bell en reste persuadé. Il est avocat et membre de la communauté gay. Selon lui, la population se montre plus tolérante. L’homosexualité s’est banalisée, à Vancouver sans doute plus qu’ailleurs dans l’Ouest canadien. La cité est réputée pour son ouverture d’esprit.
Scott Bell et son conjoint sont en couple depuis 25 ans. Bien qu’ils aient fait le choix de ne pas se marier, ils sont reconnaissants envers celles et ceux qui ont livré bataille pour obtenir ce droit. « La lutte a été très longue. Je suis assez vieux pour me rappeler son histoire et je ne pourrai probablement jamais l’oublier. » Daniela Gardea et Brenda Scott-Castro ont quant à elles sauté le pas. C’est la raison pour laquelle elles se sont installées à Vancouver il y a quatre ans. Chez elles, les deux femmes d’origine mexicaine ne pouvaient pas librement vivre leur amour. « Je ne m’étais pas rendu compte à quel point l’homophobie affectait ma vie jusqu’à ce que je vienne à Vancouver », déclare Daniela Gardea.
Au Mexique, des crimes et des agressions commis dans l’indifférence
Alors que son pays semble plus ouvert sur la question, elle assure que des homos y taisent encore leur orientation sexuelle par peur d’être rejetés par leur famille ou discriminés à leur travail. Et c’est sans parler des agressions et crimes haineux qui sont commis dans l’indifférence des forces de l’ordre.
S’il paraît préférable d’être gay ou lesbienne en 2015 plutôt que 10, 20 ou 30 ans plus tôt, des hommes et des femmes paient encore un lourd tribut pour être ce qu’ils sont. Longues peines de prison, flagellation, amendes et pendaison restent le sort réservé à celles et ceux qui s’adonnent aux relations entre personnes de même sexe.
Rien de tout cela au Canada. Il serait néanmoins illusoire de penser que tout s’y passe pour le mieux. Deux étudiants de l’université McGill à Montréal se sont intéressés à la rémunération dans le monde du travail. Leur enquête parue en mai dans la revue scientifique Gender and Society démontre que les homosexuels de sexe masculin gagneraient 5 % de moins que les hétérosexuels. L’étude porte uniquement sur les personnes en couple.
Encore plus récemment, la gérante de la société GeoPond EcoGarden de Surrey s’est attiré les foudres de la communauté gay de Vancouver en postant des commentaires homophobes sur son profil Facebook. Dara Parker, la responsable du centre Qmunity, les condamne. « Dans une ville aussi progressiste que Vancouver, certains s’imaginent qu’il n’y a plus rien à faire et que tout est acquis. Mais chaque jour, des familles canadiennes peinent à comprendre et à accepter l’homosexualité », affirme-t-elle. D’où l’importance pour les centres communautaires comme le sien d’exister et de « contester ces points de vue vraiment, vraiment dangereux ».
Bague au doigt ou pas, celles et ceux qui luttent pour l’égalité savent qu’ils entament un long périple… pour le meilleur et pour le pire.