J’aimerais avant tout vous faire part de mes préoccupations quant au futur du Canada. Après presque dix ans au pouvoir je pense que les Canadiens sont en droit de se demander ce que vous avez vraiment accompli et de questionner l’idéologie qui sous-tend vos décisions.
Concentrons-nous sur l’économie, votre « point fort », dit-on. Les termes ou expressions comme : budget équilibré, surplus budgétaire, « nous allons diminuer les taxes » et « l’argent dans vos poches », reviennent comme un mantra idéologique dans la tradition Thatcher/Reagan. C’est comme si pour vous la société est comme une corporation et que vous en étiez le Président-
directeur général.
Les chèques d’allocations familiales envoyés juste avant les élections sont comme si vous disiez « Voici 100 piastres et 60 piastres de plus », comme si vous vouliez acheter leur vote. En politique, les apparences comptent.
A vous écouter, l’économie va bien parce que vous avez un surplus. Un peu simpliste, non ? Comment expliquer la croissance des inégalités économiques, le taux de chômage constant, la perte de plus de 200 000 emplois dans le secteur manufacturier, tout cela depuis votre arrivée au pouvoir. Et ce, malgré tous les accords et traités commerciaux de libre-échange. Ces traités n’ont évidemment pas apporté les fruits attendus.
Au lieu de vous fier aux statistiques économiques, vous devriez aussi les analyser. Une économie qui va bien ne veut pas dire que tout va bien. Vous n’avez qu’à regarder du côté des États-Unis, le plus important pays capitaliste au monde où l’État intervient le moins dans l’économie et la vie sociale. Ce pays a un des plus hauts taux de pauvreté parmi les pays dits développés. La crise économique de 2008 aux États-Unis et ses conséquences dans ce pays ont bien montré les dangers de se fier seulement « à l’économie ».
Et votre récent surplus, quelle belle concoction. Vous avez inclus l’argent que vous aviez prêté à GM durant la crise commencée en 2008 et que la compagnie vous a remboursé. Vous avez aussi additionné le surplus de la caisse d’Assurance-Emploi du Canada. Et finalement vous avez coupé depuis 2006 dans toutes sortes de programmes, ministères et autres institutions qui touchent, entre autres, l’environnement, les arts, les affaires étrangères, les vétérans, l’armée et bien d’autres dont CBC/Radio Canada.
Je ne vais pas insister sur la chute du prix du pétrole. Je ne peux pas croire que vous croyiez que cette manne allait continuer de tomber dans vos coffres éternellement. Aucun plan de prévu. Incroyable. Quant à la création d’emplois, il faut voir quels types d’emplois. Eh oui, M. Harper, les chiffres ne disent pas tout!
Le contrat de vente de véhicules militaires de l’ordre de 15 milliards à l’Arabie Saoudite démontre une hypocrisie certaine. D’un côté vous parlez de l’oppression des femmes voilées au Canada et de l’autre vous aidez ce pays à maintenir l’oppression sur ses citoyens. Vous parlez souvent de principe dans votre soutien à l’Ukraine et à Israël. Mais ici c’est différent. Ça va créer des emplois. M. Harper, on est une personne de principe ou on ne l’est pas.
Pour vous, la politique consiste à faire tourner la roue de l’économie en y ajoutant un peu d’huile ici et là. L’économie est pour vous une fin en soi. Eh bien, pour moi c’est un moyen. Cette élection en est une où les Canadiens doivent choisir entre deux options. Soit aller vers une société basée sur une démocratie sociale qui essaie d’amoindrir les inégalités entre les groupes sociaux en visant avant tout le bien-être des citoyens dans leur ensemble, ou une société où l’État intervient de moins en moins en laissant l’économie prendre soin de nos besoins.
L’histoire montre que les pays qui ont choisi la démocratie sociale comme l’Allemagne, la Finlande, la Suède, la Norvège et la Hollande ont réussi à bâtir des sociétés où le bien-être des citoyens et non seulement de l’économie est la raison d’être de la politique.
Pour toutes ces raisons je ne voterai pas pour vous et votre parti. Et j’oubliais : qu’est-ce que cette idée de faire peur au monde ? La peur est mauvaise conseillère, à moins que ce soit pour de basses raisons politiques.
Pierre Grenier
Enseignant pendant 20 ans en Sciences humaines à l’école Vancouver Technical Secondary. Diplômé en Sciences politiques de l’Université Laval à Québec.
A Vancouver depuis 1980.