Le 19 octobre prochain, les Canadiens se rendront aux urnes pour élire leur nouveau premier ministre. Quand certains hésitent encore sur le candidat à choisir, les étrangers installés au Canada ont tendance à adopter un regard critique sur la situation. Observateurs de premier plan, ils s’expriment autrement sur la politique et sur le droit de vote. Droit nécessitant la nationalité et dont ils aimeraient bénéficier dans un pays souvent perçu de l’étranger comme un Eldorado.
D’après les données du rapport Faits et chiffres 2014 commandé par les autorités canadiennes, plus de 260 000 résidants permanents vivent au Canada, dont 35 000 en Colombie-Britannique. Soit autant de personnes destinées à devenir, un jour, des citoyens. S’ajoutent les flux migratoires des travailleurs étrangers, des étudiants et des touristes établis pour quelques mois sur le territoire. Quelle pertinence pourrait donner l’expérience de ces Canadiens de cœur au sein du débat public ?
« Voter, c’est la moindre des choses »
Le contexte politique dans lequel les étrangers ont vécu dans leur pays influence leur vision du vote. Une chance pour certains, un droit et un devoir pour d’autres, mais dans tous les cas la décision doit être réfléchie. Aitor Sanchez, militant Catalan à Vancouver depuis trois ans avec un permis de travail, perçoit le vote comme « un droit facile à exercer, et une responsabilité. J’aime être fier de mes convictions et voir la même chose au sein du gouvernement me représentant. Mais tu dois t’informer, voter c’est la moindre des choses au niveau politique en tant que citoyen. » Voter pour créer une voix.
Roji a quitté la Turquie depuis 10 ans. Venu avec un visa étudiant, puis réfugié, il est désormais résident permanent. Une expérience lui conférant un regard alerte sur la situation d’immigrant et la politique d’immigration canadienne. Il comprend que les étrangers, résidants permanents ou non, n’aient pas le droit de vote, fait commun à de nombreux pays. Mais après 10 ans, il connaît mieux Vancouver que bon nombre de Canadiens, voire même que son propre pays. Oui, voter il le ferait, mais sans illusion. Il affirme : « honnêtement, le vote ne change pas les choses, les élections ne représentent pas vraiment la démocratie, il ne donne pas assez d’alternatives, c’est l’illusion du choix. » Il pense pourtant que sur les questions de politique d’immigration, le vote des étrangers pourrait contribuer à l’évolution des lois.
Les Vancouvérois perçus comme peu engagés
« Même si je suis là pour un an, je voudrais voter, si ma contribution peut aider à améliorer la vie ici, pourquoi pas ! Et cela peut avoir des conséquences à long terme sur mon propre pays », dit Aitor. Après un certain nombre d’années sur le territoire, il pense que le droit de vote, même localement, devrait être octroyé. L’expérience acquise permet une connaissance de la vie politique et de ses enjeux. Le regard se fait plus avisé sur un pays porteur d’espoirs pour de nombreux étrangers. Rester six mois ou cinq ans change les objectifs de chacun. Si la découverte et l’amusement priment dans le premier cas, une volonté d’intégration et d’implications apparaît dans l’autre.
Pour autant, l’esprit politique n’est pas uniquement une question de temps. Ahlem Keddad, jeune fille au pair française depuis trois mois venue améliorer son anglais, ouvre les yeux sur un pays où elle aimerait s’installer dans un avenir proche. Comme elle, Aitor et Roji voient les Vancouvérois comme peu politisés. Plus enclin à discuter de hockey, de mode que de politique, ils sont souvent perçus comme méconnaissant ce qui se passe dans le monde, et leur opinion ne se manifeste que rarement en public. Faisant passer des intérêts personnels au détriment de l’intérêt général, comme l’a démontré le récent référendum sur les transports publics.
Si la qualité de vie n’y est plus à démontrer, il apparaît étonnant que le Canada ne défende pas davantage des thèmes comme l’écologie et l’immigration. Aitor remarque qu’il devient « en colère en lisant les journaux à propos des propositions des partis politiques sur les changements climatiques. » Roji pense à la crise actuelle des migrants et au durcissement de la politique migratoire. « Je suis l’un d’eux, le gouvernement joue la peur. Il faut ouvrir les portes au débat et aux idées. » À l’heure où 1,4 millions de Canadiens expatriés depuis plus de cinq ans ont perdu leur droit de vote l’été dernier, l’implication dans le débat public des étrangers, à défaut d’un poids électoral, pourrait interpeller sur les questions d’immigration et de ses conséquences pour une nation.