Il y a moins d’un mois était publié le retentissant ouvrage de recherche L’école des colonies de Didier Daeninckx. À l’occasion de la sortie de ce livre et au fil de la réflexion menée par cet essayiste français, nous nous sommes intéressés aux problématiques de l’éducation des enfants dans les colonies françaises et aux ratés de ce système.
Le combat contre le négationnisme
Didier Daeninckx, auteur de L’école des colonies, est connu pour son engagement et son fort militantisme. Luttant contre le négationnisme – ici compris au sens large comme étant le fait de nier ou de minimiser les crimes contre l’humanité – cet intellectuel édite régulièrement des travaux suscitant la polémique. En 1998, il publie Cannibale où il dénonce les « zoos humains » de la IIIe République en relatant l’histoire des Kanaks, mis en cage et traités comme des animaux en 1931 lors de l’Exposition coloniale à Paris.
L’école des colonies s’inscrit pleinement dans la lignée de ce combat contre les dérives politiques et culturelles laissées dans l’oubli et dans l’ombre de l’histoire et de la mémoire collective. Le célèbre philosophe Hegel disait déjà il y a plus deux cents ans que « la véritable histoire objective d’un peuple commence lorsqu’elle devient aussi une histoire écrite ». Encore faut-il des personnes assez courageuses et téméraires pour prendre la plume et raconter ce que l’histoire a fait de plus beau, mais également de plus laid. Daeninckx est intimement persuadé que si l’on oublie l’histoire, on est condamné à la revivre, alors il s’est mis en quête de dénoncer les parties sombres, comme un moyen d’éviter de les reproduire à l’avenir.
Les enjeux colonialistes ou l’illusion d’éducation
Dans son tout dernier ouvrage, Daeninckx traite de la période charnière d’après-guerre et de l’éducation faite aux peuples colonisés, alors appelés « indigènes » ou « sauvages ». Voici les mots forts qui ouvrent la réflexion de cet essai édifiant :
« “Nos ancêtres les Gaulois.” C’est ainsi que débutent les cours d’histoire des écoles du Tonkin, du Dahomey ou du Soudan, à l’orée du XXe siècle. Le domaine colonial français, 11 millions de kilomètres carrés, 48 millions d’habitants occupe alors le deuxième rang mondial. Les écoliers de l’Afrique subsaharienne, de l’Asie, de l’Océanie, des Antilles ou du Maghreb sont éduqués pour devenir de vrais Français. Chaque matin les cours commencent après avoir inscrit en français sur un tableau noir : “Mes enfants, aimez la France, votre nouvelle patrie.” »
Le blog du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) n’a pas peur des mots et présente, à travers l’ouvrage de Daeninckx, cette éducation colonialiste inculquée sur « un mode paternaliste tricoté de racisme ». Le but n’était pas tant d’éduquer que de façonner les « indigènes » à l’image de la France, sans pour autant en faire des citoyens à part entière en leur dénigrant des droits fondamentaux tels que le droit de vote, de culte, ou même de parler leur langue maternelle. Daeninckx révèle qu’il « ne s’agit pas de former des intellectuels », « l’accès à l’éducation est extrêmement réduit : quelques pour cent de la population ».
Difficile de ne pas voir dans ces techniques un rapprochement, voire un parallèle, avec la question tout aussi épineuse des écoles résidentielles autochtones au Canada. Sous couvert d’éduquer les enfants originaires des premières nations d’Amérique, ces établissements, de la même manière que l’école colonialiste, étaient destinés à évangéliser les Amérindiens et à les assimiler à la culture des colons.
Pour aller plus loin dans la réflexion – et ainsi rejoindre le combat de Daeninckx contre le négationnisme – nous observons que les pratiques de ces écoles, dont la dernière n’a fermé que très récemment en 1996, ont été récemment reconnues comme étant un génocide. Certaines études tendent à démontrer qu’un enfant autochtone sur deux n’est jamais revenu vivant de ces pensionnats. Ce véritable crime contre l’humanité a laissé des séquelles au sein du peuple amérindien, mais heureusement, la dénonciation comme cure est en marche et de nombreux témoignages permettent à ces victimes de soigner progressivement les douleurs du passé.
Comme le souligne très bien le blog du MRAP, il reste des « dommages collatéraux » de ces doctrines colonialistes, différentes en France et au Canada et pourtant tristement similaires. Gageons, comme Daeninckx, que le devoir de mémoire et l’information permettront de panser ces plaies une fois pour toutes.
L’école des colonies, par Didier Daeninckx (éd. Hoëbeke), 27,50 €
Anniversaire des 40 ans du Centre culturel francophoneLe 27 novembre à 20 h
Au Théâtre Centennial, 2300 avenue Lonsdale, Vancouver NordPour fêter ses quarante ans et à l’occasion des concerts de Fred Pellerin et Stef Paquette, le Centre organisera des enchères silencieuses.
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18e Festival annuel du film européen
Du 27 novembre au 9 décembre À la Cinémathèque du Pacifique, 1131 rue Howe
Cette année, le festival propose 28 films dont deux, Vie Sauvage et Tous les chats sont gris, qui seront présentés en langue française. Billets à 11 $ ou à 9 $ pour les aînés et les étudiants.
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Second festival annuel du film turc de Vancouver (VTFF)
Du 4 au 7 décembre
Au VIFF Vancity Theatre, 1181 rue Seymour
Le VTFF a pour mission de présenter le meilleur du cinéma turc à Vancouver en constituant à la fois un tremplin international pour les cinéastes turcs et en créant un pont artistique par-dessus la distance qui sépare la Turquie du Canada en permettant aux cinéphiles de ces deux horizons de se trouver et de partager leur passion. Billets à 11 $ ou à 9 $ pour les aînés et les étudiants.