On dit que les valeurs canadiennes ont façonné le pays et fait ce qu’il est aujourd’hui. Une affirmation qui flaire bon la fierté patriotique. Mais que se cache-t-il derrière ce concept fédérateur ? Ces valeurs ont-elles encore un sens aujourd’hui ou ne sont-elles que des lambeaux d’une gloire passée ?
Selon l’Indice canadien du mieux-être (ICMÊ), les valeurs canadiennes sont une notion cruciale pour le pays et dont la plus fondamentale serait la solidarité. L’union fait la force… Quand ils sont interrogés sur ce qui compte pour eux, les Canadiennes et les Canadiens dessinent les contours de leur société idéale et dans laquelle ils pensent vivre.
Une nation où l’éducation est accessible et le système de soins de qualité, où l’environnement est sain et la fiscalité raisonnable, et où règnent la sécurité de l’emploi et l’ordre public. Telle est la vision que les Canadiennes et les Canadiens, quelles que soient leur province (ou territoire) et leur classe sociale, ont de leur pays. Voilà pour le discours. Qu’en est-il sur le terrain ?
Se montrer sensible aux questions liées à l’écologie fait forcément écho aux habitants de la Colombie-Britannique, encore plus aux Vancouvérois. Pour une large part d’entre eux, la préservation de la planète n’est pas qu’une théorie. C’est un mode de vie, un défi que veulent relever les élus politiques. Pour rappel, le maire, Gregor Robertson, a comme ambition de faire de sa ville la plus verte au monde d’ici 2020. Autant dire, d’ici demain.
Question de point de vue
Hormis cet exemple, force est de constater que l’engouement autour des valeurs canadiennes se fendille une fois placé sous la loupe de la réalité. Un sondage téléphonique mené d’Est en Ouest, par Research House pour l’Institut Environics et la Fondation Pierre-Elliott Trudeau, révèle qu’il existe peu de priorités nationales sur lesquelles l’ensemble de la population s’entend.
Parmi les différentes propositions, l’égalité homme-femme et le respect de toutes les religions obtiennent le plus de suffrages. La protection de l’environnement, même au détriment du développement économique, et le
maintien des deux langues officielles figurent également en tête du classement, mais sur ces sujets les personnes interrogées pensent que la société est beaucoup plus divisée qu’elle ne l’est en vérité.
Rosanna Haroutounian comprend ce décalage. Selon elle, tout est question de point de vue : ce qui est important pour les uns, ne l’est pas forcément pour les autres. Rosanna Haroutounian est éditrice à New Canadian
Media. Lancé en février 2014, ce site se veut une plateforme interactive destinée à faire entendre la voix des immigrants, à les informer aussi.
Le Canada étant une terre d’accueil depuis sa création, il évolue en fonction de celles et ceux qui le peuplent. « Les valeurs qui nous définissent le mieux, nous les Canadiens, sont pour moi : la liberté, le respect et la diversité », confie la jeune femme. Elle s’estime chanceuse de vivre dans un pays libre, ce que tout le monde n’a pas la joie de connaître, rappelle-t-elle.
« Dans le respect de nos différences »
« La liberté de la presse, la liberté d’expression, la liberté de pratiquer sa religion sont quelques exemples des privilèges que nous avons. Ailleurs dans le monde, certains meurent pour ça. » La diversité est l’autre point qu’elle tient à mettre en exergue.
« Celles et ceux qui ont constitué le Canada d’hier venaient du monde entier. Il en est de même aujourd’hui. Nous n’avons pas tous les mêmes croyances et les mêmes traditions, nous parlons différentes langues. Nos points de vue politiques divergent, tout comme notre orientation sexuelle. Mais ici, tout ceci se fait dans le respect de nos différences. Parce que la diversité est ce qui nous autorise à être qui nous voulons être. »
Dernière valeur qu’elle veut souligner : l’égalité entre les hommes et les femmes. « J’ai été victime de harcèlement au travail et n’ai pas reçu le même traitement que mes collègues masculins au cours de mon parcours professionnel. Parce que je suis une femme, certains présument à tort de mon caractère ou de mes compétences. »
Rosanna Haroutounian l’affirme, l’égalité entre les hommes et les femmes est essentielle pour elle et pour bon nombre de Canadiens, « mais nous avons encore beaucoup de progrès à faire en la matière si nous voulons qu’elle devienne concrète ».
Une enjeu électoral
Quoi qu’on en pense, quoi qu’on en dise, les valeurs canadiennes restent une préoccupation majeure. Jesse Robichaud, consultant pour Ensight Canada (un regroupement d’entreprises de communication et d’affaires publiques basée à Ottawa), s’en est récemment rendu compte.
Lui et d’autres spécialistes assurent que les dernières élections fédérales se sont jouées sur ce terrain-là, bien plus que sur les questions économiques ou de politique internationale. Ce thème a été favorable au candidat libéral et explique en partie sa victoire.
« Par leur vote, les électeurs ont exprimé leur envie de changement. Ils voulaient un style de gouvernance plus positif, plus dynamique, plus en adéquation avec leurs valeurs. C’est Justin Trudeau qui personnifiait le mieux tout ça. La population a de fortes attentes envers lui. »
Et en ces temps de chaos et de menace terroriste, l’intérêt ne risque pas de s’essouffler. C’est dans les moments les plus incertains que l’humanité cherche à se rassurer, à se rassembler.