Après le quinoa, l’agriculture familiale et les sols, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) met cette année les légumineuses à l’honneur. Un choix tout sauf anodin tant le terme cache des trésors aux enjeux colossaux pour notre alimentation – mais aussi pour la planète.
Les légumineuses, ce sont ces légumes secs et autres graines comestibles que l’on retrouve sous la forme de fèves, lentilles ou pois. Le rêve des végétariens, le cauchemar des enfants – et souvent, il faut bien l’avouer, des parents, si l’on excepte les fèves au lard et le chili con carne. En 2016, tout pourrait cependant changer : les haricots sont à l’honneur, et, en la matière, la Colombie-Britannique est loin d’être hors-champ.
Les témoins d’une agriculture durable
Si l’on qualifie les légumineuses de « magiques », c’est que leurs bienfaits ne se limitent pas à nos organismes, qui y trouvent des sources de protéines, minéraux et antioxydants essentiels à la prévention des maladies cardio-vasculaires, du diabète, de l’obésité et du cancer. Elles sont aussi un miracle écologique pour les sols. En fixant l’azote de l’air, elles ne se contentent pas de se fertiliser elles-mêmes : elles enrichissent aussi la terre en azote pour nourrir plants à venir et autres cultures.
À l’heure des changements climatiques et d’une population mondiale toujours croissante qu’il s’agit de nourrir, les légumineuses apportent des réponses aux questions de sécurité alimentaire et nutritionnelle durable.
D’une empreinte écologique deux fois plus faible qu’une agriculture traditionnelle, à l’origine de 51% des émissions à effet de serre, peu gourmandes en eau et bon marché, elles constituent 75% des apports alimentaires moyens dans les pays en voie de développement, selon les chiffres de la FAO. Des pays en développement qui s’approvisionnent pour une bonne partie… au Canada.
Le paradoxe canadien
Le Manitoba et l’Ontario font la part belle aux haricots secs, alors que la Saskatchewan et l’Alberta versent davantage dans les pois et lentilles. D’après Statistique Canada, les terres cultivées de ces quatre provinces représentaient près de 2,2 millions d’hectares en 2011, soit l’essentiel de la production canadienne, qui est l’une des premières au monde.
Peter Watts, de Pulse Canada, voit en 2016 l’occasion de promouvoir le rôle déterminant du Canada dans la production, le traitement et l’innovation dans le développement de nouveaux produits à base de légumineuses. « L’impact sur la santé et sur l’environnement commence avec des choix et habitudes sains de consommation. Nous travaillons avec les producteurs, les industriels et les politiques pour l’introduction d’une part croissante de légumineuses dans les produits alimentaires de grande consommation », explique-t-il. Une piste intéressante pour relancer l’intérêt du public, en baisse constante depuis vingt ans.
Mais pour l’heure, il est bien difficile de trouver des pois, lentilles et haricots du Canada dans les commerces habituels. Et pour cause, le Canada exporte 77 % de sa production – pour occuper depuis peu le premier rang mondial. Moins de 10 % de cette production locale sont destinés aux Canadiens, qui se retrouvent à consommer des légumineuses importées. Une situation que certains espèrent infléchir en cette année particulière.
Pour une consommation vertueuse : la voix de la Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique, avec sa centaine de petites exploitations et les 4 000 hectares qu’elle consacre aux légumineuses, principalement en zones côtières, ne semble a priori pas entrer dans l’équation. S’y démarquent pourtant des producteurs passionnés, parfois spécialisés dans la culture de variétés rares et anciennes, à l’image de Rebecca Jehn, à Victoria.
D’autres producteurs font le pari de l’engagement. C’est le cas de Dan Jason, de Salt Springs Weeds, co-auteur du livre The Power of Pulses (à paraître), véritable plaidoyer pour les légumineuses. Cela fait trente ans que Dan promeut les légumineuses, du haut de ses quatre acres de terres cultivées. « On ne peut pas encore parler de tendance », explique-t-il. « Le contexte climatique amène certains politiques locaux à s’y intéresser en vue d’accroître les surfaces cultivées, mais nous en sommes encore aux débuts ».
Il se réjouit de constater que la Colombie-Britannique est plus encline à la consommation de légumineuses qu’ailleurs au Canada, mais ironise sur le faible impact de la production canadienne sur les consommateurs canadiens. À la question de savoir ce qu’il espère de cette année des légumineuses, sa réponse est sans détours : « Je souhaite aller donner des conférences dans les Prairies et faire passer le message. On en fait pousser ? Mangeons-les ! »
2016, Année internationale des Légumineuse : www.fao.org.