Antonette Rea transcende le(s) genre(s) en poésie

Photo d’Antonette Rea

Photo d’Antonette Rea

Une aura et un rire à toute épreuve, voilà ce qui retient l’attention au contact d’Antoinette Rea. Utilisant les mots pour dépasser les maux, elle navigue en poésie et expose sur la scène son expérience de femme transsexuelle du quartier Downtown Eastside. Avec sa personnalité singulière et lumineuse, elle partagera ses textes du 27 au 31 janvier dans un spectacle intitulé Miss Understood, programmé lors du festival PuSh. Une création questionnant le genre et le transgenre, la réalité des identités sexuelles, où la brutalité se mêle à la légèreté.

Dans une société où les identités sexuelles sont définies socialement et de manière artificiellement binaire, les personnes transgenres bousculent les codes et les mentalités. Si, depuis quelques années, il devient plus facile d’en parler, notamment avec l’exemple de Caitlyn Jenner, récemment devenue femme, les tabous et les barrières persistent.

Dépasser les normes établies

« On a besoin de plus d’histoires comme celle d’Antonette, avec des trajectoires significatives, pas seulement pour parler du transgenre, car il y a d’autres thématiques », souligne Gwen Haworth, transsexuelle, réalisatrice d’un court-métrage sur le parcours d’Antonette Rea, A woman with a past (disponible sur son site Internet).

Père de deux enfants, c’est à la quarantaine qu’Antonette Rea entame son processus de transformation. Si la poésie lui a permis de garder la tête haute, elle a aussi connu la violence de la rue : entre commerce sexuel, drogue, violence, isolement, rien n’a été facile. Des difficultés desquelles il est difficile de croire qu’elle soit venue à bout tant elles paraissent aberrantes. Ce que beaucoup de personnes « en marge identitaire »
connaissent.

Gwen Haworth, réalisatrice. | Photo de Gwen Haworth

Gwen Haworth, réalisatrice. | Photo de Gwen Haworth

Le changement de sexe n’est pas seulement physique, c’est bien plus complexe. « Plus j’en apprends, moins je suis capable de définir l’identité transgenre », affirme Gwen Haworth. C’est une identité que les personnes choisissent de poursuivre pour être en paix avec elles-mêmes, malgré les préjugés et l’incompréhension qui demeurent. Si certains jouent entre le masculin et le féminin, l’identité sexuelle est aussi très organique, ce que peu de gens savent ou soupçonnent. Il s’agit d’un long processus qui nécessite, autant que possible, le soutien des proches ou d’une communauté pour pallier au rejet. Malgré ses projets artistiques, Antonette reste présente et soutient les gens traversant ce par quoi elle est passée. Elle aide la jeune génération à se frayer un chemin à travers son récit. Elle est « un cadeau », comme le dit Gwen Haworth.

« Ma poésie c’est mon âme, mon cœur »

Antonette et James Fagan Tait, metteur en scène du spectacle Miss Understood, ont travaillé sur les poèmes autobiographiques d’Antonette pour en dégager une heure vingt « de brutalité, d’honnêteté, de légèreté et de gaieté, même quand l’histoire est très dure», dit-il. Sur scène, Antonette est accompagnée de deux comédiens interprétant ses côtés masculins et féminins. Une chorégraphie et une vidéographie enrichissent les textes. Le fil rouge de la pièce, c’est l’humour. Gwen pense « qu’une de ses stratégies pour survivre, c’est le rire ». Son histoire y frise la comédie : « voir ce à quoi elle a dû faire face pour trouver de l’humour, c’est incroyable ! »

Le titre reflète cet humour et l’ambiguïté de son identité. Miss Understood, entre compréhension, compassion et quiproquo. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle se surnomme avec ironie. Elle souhaite transmettre non pas une histoire sur le processus de transition, mais un voyage identitaire personnel captivant. Poète intersexuelle, comme elle se définit, les textes d’Antonette sont un vrai socle pour tenir debout. Elle ajoute dans le documentaire qui lui est consacré : « s’il y avait une alarme incendie, j’attraperais ma poésie, c’est mon âme, mon cœur, c’est la seule amie que j’ai vraiment ». Sa poésie et son harmonica : ses deux compagnons de route en toutes circonstances.

En latin le prénom Antonette signifie « inestimable », comme un clin d’œil à son parcours. « Oui je suis une femme avec un passé ! » conclut-elle dans un éclat de rire.

Miss Understood, Antonette Rea
Du 27 au 31 janvier dans le cadre du festival PuSh

pushfestival.ca

www.gwenhaworth.com