Située au cœur de Mount Pleasant, la galerie d’art Grunt accueillera l’exposition Sausage Factory des artistes – et partenaires de vie – Weronika Stephen et Stephen Wichuk. Cette installation propose d’explorer d’un œil critique tout l’univers de la production de masse de la nourriture : de la mécanisation des processus de production à la consommation dans notre société.
Soumise lors de l’appel à projets annuel de la galerie, l’idée de l’exposition des deux artistes a su enchanter le jury. « Nous étions tous vraiment excités par la matérialité de leurs animations et par la recherche évidente derrière leur travail » affirme la conservatrice et l’une des deux organisatrices de l’exposition, Tarah Hogue. « Il y a tellement de choses à tirer de l’apparente innocence d’une animation d’une série de saucisses qui se transforment en chien-saucisse ».
L’artiste interdisciplinaire polonaise américaine Weronika Stepien a obtenu un diplôme de l’Université Emily Carr en 2009, à l’instar de Stephen Wichuk ayant décroché le sien en 2005. La première a étudié dans le programme Film et vidéo et média intégré, alors que le second a plutôt opté pour le programme de Media Arts. Les deux artistes se concentrent dernièrement sur l’enseignement des principes de l’animation aux jeunes ou à un public plus large. Loin d’en être à leur première exposition, Weronika et Stephen se lancent cette fois-ci dans une co-présentation sur un même thème.
Variations sur thème… alimentaire
L’idée derrière l’exposition Sausage Factory provient de deux points de départ pour Weronika : ses souvenirs d’enfance et sa propre expérience de travail dans une usine de production de saucisses à Vancouver, en 2012.
Elle projetait de créer un court métrage d’animation autour de la notion d’accident de travail en usine. « Les accidents de travail sont chosecommune dans les usines de production de viandes, et j’en ai moi-même été témoin», se remémore-t-elle. « Quand j’étais jeune fille en Pologne, mon père s’est retrouvé avec les veines ouvertes suite à un accident de travail lorsqu’il bossait dans un abattoir. J’ai eu envie de faire un projet d’art autour du thème des gens qui deviennent travailleurs et de voir de quelle manière, au fil du temps, leur corps devient comme la viande qu’ils abattent ».
De son côté, Stephen s’intéressait de plus en plus aux multiples transformations d’humains et d’animaux en saucisses dans l’art populaire.« Weronika faisait déjà des recherches sur les sites et lieux matériels de production de viandes et sur les mouvements effectués par les travailleurs d’usine. Nous voulions faire une exposition ensemble, donc cela nous a semblé être une bonne occasion de nous lancer » souligne-t-il.
Ainsi, pendant l’été 2015, Weronika et Stephen ont mis de plus en plus d’idées en commun et ont développé des sculptures faites de gélatine, de chaussettes, de ballons, de guimauves et « d’autres objets trouvés au Dollar store ». « Nous avons utilisé la petite cuisine de notre appartement comme un laboratoire/studio afin de voir comment ces objets pourraient être assemblés autour du thème de notre exposition » souligne Stephen.
De l’importance de la critique sociale en art
Weronika souligne l’importance en tant qu’artiste de parler des connaissances que nous avons sur la production en usine et ses effets sur la nature et la santé. « La production de nourriture est une industrie essentielle pour la culture et la vie de tous les jours. Nous étions intéressés par la mécanisation de l’industrie alimentaire ainsi que par la persistance de tactiques douteuses par rapport à l’emploi dans cette industrie et par les conditions dangereuses qui y règnent ».
Pour Stephen, l’intérêt est également d’explorer, parfois grâce à des blagues visuelles, les frontières floues entre animal et humain, animal et aliment, corps et outil, viande et chair. Il note que l’exploration dans les vidéos d’archives l’a mené à « observer la manière dont la nourriture est importante dans la représentation historique de la vie domestique et industrielle, mais également à découvrir le rôle qu’ont joué le plaisir culinaire et le désir dans les représentations utopiques de la technologie, de Charles Fourier à Walt Disney ».
Les visiteurs pourront s’attendre à voir des installations multiples, entre des montages de séquences de vidéos d’archives, des sculptures faites de matériaux divers (parmi eux les guimauves et la gélatine) et des illustrations explorant la production en usine d’aliments. Le tout avec une pointe d’humour.
En somme, une exposition intrigante et prometteuse à la galerie Grunt, du 25 février au 2 avril, à ne pas manquer.