À l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, fêtée le 8 mars dans le monde entier, La Source s’est intéressée aux femmes dans les arts et la culture en Colombie-Britannique. Zoom sur ces artistes, penseuses, féministes, directrices, qui dessinent les contours de la vie artistique et culturelle en C.-B.
Cette année 2016 a une importance toute particulière : le Canada fête le 100e anniversaire du premier droit de vote des femmes. Le Manitoba a été la première province à changer la loi, le 28 janvier 1916. Véritable pionnière, elle va lancer un mouvement qui sera rapidement suivi par les autres : la Colombie-Britannique prendra le pli un an plus tard, le 5 avril 1917.
La journée « des femmes » est officialisée en 1977 par les Nations Unies, en réponse aux mouvements sociaux ayant pris place en Amérique du Nord et en Europe au début du siècle. Parmi eux, l’un des plus célèbres reste certainement celui des suffragettes pour le droit de vote des femmes.
Ce jour du 8 mars est celui où, selon les Nations Unies, « les femmes sont reconnues pour leurs réalisations sans égard aux divisions, qu’elles soient nationales, ethniques, linguistiques, culturelles, économiques ou politiques. C’est une occasion de faire le point sur les luttes et les réalisations passées, et surtout, de préparer l’avenir et les perspectives qui attendent les futures générations de femmes. »
Femme et francophone en Colombie-Britannique
Est-ce encore un frein aujourd’hui d’être une femme dans le monde de l’art et de la culture ? Est-ce un double obstacle d’être femme et francophone lorsque l’on souhaite évoluer en Colombie-Britannique ?
Plusieurs points de vue et plusieurs philosophies apparaissent pour répondre à cette question.
Des organismes tels que Réseau-Femmes, créé en 1990, ont pour mission de promouvoir le bien-être social, culturel et économique des femmes francophones. « Les femmes francophones étant en situation minoritaire, Réseau-Femmes permet, notamment à travers ses regroupements régionaux, de briser l’isolement et de favoriser les échanges entre les femmes francophones dans toute la province. »
Fin octobre 2015, Réseau-Femmes C.-B. a organisé un grand congrès-gala intitulé « femmes créatives » où des œuvres artistiques et culturelles (documentaire vidéo) ont été diffusées. Grâce à l’art, au réseautage et à l’entraide, Réseau-Femmes C.-B. réussit à donner la parole aux femmes francophones et à promouvoir leur culture, par des femmes et pour des femmes.
Qu’en pensent-elles ?
Si le 8 mars est l’occasion de faire le bilan, le meilleur moyen d’estimer les avancées est d’interroger les femmes d’influence dans les arts et la culture.
Johanne Dumas est directrice générale et artistique de la Société francophone de Maillardville depuis plus de 20 ans. À cette époque, sa nomination au poste de directrice est un véritable défi, tant au niveau de la langue que de sa position. Elle a souvent entendu le commentaire « cette femme-là », et est persuadée qu’elle n’aurait pas entendu d’équivalent pour un homme. « Je ne me sentais pas minoritaire, mais je ressentais par contre que, parce que j’étais une femme, on me prenait moins au sérieux au sein de ma municipalité. On faisait référence à moi comme la French Woman »,
se remémore Johanne Dumas.
Il en aurait fallu bien plus pour la décourager, car elle reconnaît avec simplicité : « Les défis étaient là, mais il fallait les surmonter, c’est tout. ». D’ailleurs, « on se méfie de moins en moins de la francophonie. Il y a vingt ans, c’était menaçant d’être femme et francophone. C’est de moins en moins menaçant, car l’immigration a changé ça. Les gens venus de partout ont adhéré au tissu social canadien. Des jeunes natifs d’ici font avancer la diversité linguistique et le bilinguisme. » Par exemple, les statistiques pour le festival du Bois étaient d’environ 30 % d’anglophones pour 70 % de francophones contre un véritable 50/50 maintenant.
Hasard ou coïncidence, l’équipe de Johanne Dumas n’est composée que de femmes. Lors de publication de postes, ce sont 90 % de femmes qui postulent. Peut-être parce que « ces femmes sont comme des mères qui s’occupent de leur famille ; notre culture communautaire, c’est ça ».
Claudine Pommier, artiste peintre et réalisatrice d’origine française installée en C.-B. depuis 1971, quant à elle, « ne ressent plus de blocage récemment ». Son accent français a parfois créé des difficultés au niveau de la compréhension, « mais ce n’est pas l’un des plus gros obstacles », selon elle. « Dans les années 70 et 80, c’était un plus gros obstacle d’être femme que d’être francophone, j’ai souvent senti des réticences. Parfois, quand on me rencontrait, on pensait que j’étais la secrétaire de… ».
Aujourd’hui, Claudine Pommier l’affirme, la situation s’est largement améliorée au Canada et les femmes peuvent s’y exprimer et s’y épanouir dans les arts sans y rencontrer une forme de censure. « Le sexisme est toujours virulent dans d’autres endroits du monde », alors tout n’est pas gagné, mais la Colombie-Britannique est une bonne élève. Claudine Pommier continue ses travaux sur les arts pratiqués par les femmes, notamment en Afrique, et poursuit un beau combat pour la visibilité en apportant sa pierre à l’édifice de l’égalité.
Les visions sont parfois différentes, mais les constats sont les mêmes chez toutes les femmes interrogées et sont très positifs.Un bel avenir mixte est ouvert. Et de conclure sur les paroles de Johanne Dumas : « Il faut avoir la couenne épaisse – comme on dit au Québec – pour aller de l’avant et ne pas laisser ces gens-là nous réduire. Je veux que les jeunes femmes qui œuvrent dans la francophonie en C.-B. puissent voir qu’il y a un bel avenir pour elles. »