Comment définir l’art urbain ? Voilà une vaste question qui est à la source de plus d’un débat. Mais qui répond quand même à quelques critères reconnus. D’abord il ne faudrait pas confondre l’architecture et l’aménagement paysager qui remplissent des fonctions bien concrètes avec l’art public qui n’a comme raison d’être… que sa seule raison d’être. Il ne fait toutefois aucun doute qu’architecture et aménagement paysager sont d’autant plus appréciés quand ils font appel à notre sens de l’esthétique.
Vancouver a beaucoup profité du boum immobilier qui a suivi Expo 86 et la tenue des Jeux Olympiques d’hiver de 2010 pour enrichir son patrimoine d’œuvres d’art public. Ces efforts sont évidents pour tout voyageur qui arrive à l’aéroport international de Vancouver, véritable salle d ‘exposition d’oeuvres d’artistes des Premières nations, dont la plus célèbre est la formidable sculpture Spirit of Haida Gwaï de Bill Reid, sans contredit l’oeuvre d’art la plus connue et la plus visitée de Vancouver. Son image est reproduite à l’endos de nos billets de 20$.
Pour les croisiéristes et autres touristes qui ont le temps de se promener autour de la Place du Canada ce seront probablementThe Drop, du collectif allemand Inges Idee au pied de la rue Burrard et le Digital Orca de l’artiste multidisciplinaire et auteur vancouvérois Douglas Coupland, soit deux autres œuvres les plus connues de Vancouver, qui attireront le regard et le clic des caméras. Les amateurs de hockey se rappelleront avec un soupir nostalgique que la flamme de la vasque olympique, avait été allumée par Wayne Gretzky, en 2010. Aujourd’hui, elle ne brille que très rarement !
Ensuite vous n’avez qu’à vous promener le long de False Creek nord en bord de mer entre les ponts Cambie et Granville tout en explorant les parcs et espaces verts qui jalonnent ce trajet, pour y découvrir une multitude de sculptures. Dans la majorité des cas ce volet faisait partie intégrale des obligations auxquelles les promoteurs devaient s’engager pour obtenir leurs permis de développement de la ville. Il s’agit en fait des contributions aux installations communautaires soit les CACs en langage bureaucratique municipal. C’est le processus selon lequel la ville perçoit du promoteur, soit une somme d’argent, soit son équivalent en infrastructures telles parcs, écoles, centres communautaires et œuvres d’art public. Ces sommes varient selon la nature, la situation et la valeur du projet en question.
Une autre source d’art public est la Biennale internationale de la sculpture de Vancouver (sic)lancée et dirigée depuis 1998 par Barrie Mowatt, fondateur de la célèbre galerie d’art Buschlein Mowatt. Cette organisation a mené à l’installation d’œuvres qu’on peut voir des deux côtés d’English Bay, à Coal Harbour, à l’entrée du Parc Stanley et ailleurs dans le Grand Vancouver. Elle a aussi conduit à l’installation au parc Morton, coin Denman et Davie, du célèbre A-maze-ing-Laughter (les huit bouddhas qui rient) du Chinois Yu Mon Jung achetés par Chip Wilson (fondateur de Lululemon) et ensuite cédés à la ville.
C’est grâce à cette Biennale que des artistes de renommée internationale tels Ai Weiwei et Dennis Oppenheim exposent à Vancouver. D’ailleurs, ironiquement, au parc Harbour Green (Bute et Cordova), à Coal Harbour l’installation F Grass de Ai Weiwei a remplacé la controversée sculpture de Dennis Oppenheim qui s’y trouvait. Vous rappelez-vous cette petite église inversée qui tenait sur son clocher et dont le titre était Device To Root Evil qui a été retirée à la suite de plaintes des riverains qui trouvaient que cela gênait leur vue du port et des montagnes ? Comme si la construction de leurs résidences n’avait pas déjà contribué à obstruer la vue. Enfin, bref… !
Notre patrimoine artistique urbain est en pleine évolution, alors que le profil architectural change et se modernise. De plus en plus de promoteurs immobiliers, sont aussi ambitieux et prêts à innover en matière d’art. Pensez au Spinning Chandelier qui sera suspendu sous le pont Granville quand le Vancouver House de l’architecte danois Bjarke Ingels sera construit sous la direction du promoteur Ian Gillespie, qui à la tête du groupe Westbank, n’hésite pas à investir au-delà des exigences des contributions aux installations communautaires, quand le projet soumis le séduit.
Enfin, au lieu d’ériger un mur en or devant le Trump International Hotel and Tower une fois cet immeuble complété on pourrait peut-être y déménager quelques uns des huit bouddhas qui rient.
P.S. Merci au sculpteur vancouvérois Al McWilliams, d’avoir accepté d’échanger quelques idées avec moi sur ce sujet. On lui doit entre autres Untitled, (2008) coin Bute et Hastings et le Monument de la marine royale canadienne (2012) à Ottawa. Il était, en 2014, lauréat du prix d’art public du maire de Vancouver.