La pièce Ga Ting (qui signifie « famille » en Cantonais) sera à l’affiche au théâtre The Cultch du 8 au 19 mars prochain. Elle sera présentée par The Frank Theatre Company, seule compagnie à offrir des pièces ouvertement queer à Vancouver. Ce drame promet d’aller au cœur de malaises peu souvent abordés sur les planches des théâtres canadiens.
Selon Minh Ly, l’auteur de la pièce, il s’agit en résumé d’un drame mettant en scène deux parents chinois qui, à l’occasion d’un souper, apprennent à connaître leur défunt fils à travers son petit-ami. Un hybride, donc, entre un Huis clos de Jean-Paul Sartre et un Tom à la ferme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard (popularisé par l’adaptation cinématographique de Xavier Dolan).
« Nous avons commencé à travailler sur la pièce ensemble, Minh et moi, en 2009 », souligne Chris Gatchalian, producteur artistique de The Frank. « J’ai d’abord eu comme intuition d’avoir sur scène deux parents asiatiques avec un gars blanc » explique Minh Ly. Cette vision s’est ensuite affirmée dans l’esprit de l’auteur. Il aura fallu près de six ans pour arriver à produire une première version. Tout s’est ensuite enchaîné, à la suite de plusieurs ateliers d’écriture.
« Puis, en 2014, la présentation de la première mouture de la pièce a permis à Ly de revenir dans le texte et d’approfondir certaines thématiques, dont celle du racisme au sein de la communauté LGBTQ+, encore très axée sur la réalité des Occidentaux blancs » rajoute Gatchalian. « Certains spectateurs nous ont offert une critique très positive, tout en soulignant que nous pourrions, par exemple, donner plus de place à la parole des parents chinois, notamment au père ».
Une première réception très positive
« Lorsque nous avons présenté Ga Ting au Centre culturel de Richmond, nous avons reçu une réponse très positive des spectateurs », se remémore Gatchalian. « C’est d’ailleurs l’auditoire le plus diversifié, en terme d’âge et d’origine ethnique, que j’ai vu de ma vie ».
Il retient également de cette première représentation publique le nombre de personnes originaires de Chine en larmes, émues qu’on raconte pour la première fois sur scène leur réalité en tant qu’immigrants. « Les gens ne se sentaient pas toujours interpellés par l’aspect lié au coming out de leur enfant, mais plutôt par les liens qu’ils peuvent entretenir avec leurs enfants nés ici (au Canada), et combien il peut être difficile de faire la part des choses entre une vision plus traditionnelle et vouloir l’intégration de ses enfants ».
Cette pièce, selon Gatchalian, démontre aussi combien le théâtre au pays est encore très centré sur des réalités d’Occidentaux blancs, et que la diversité culturelle est mise à mal dans ce domaine. « Il y a encore beaucoup de travail à faire ».
L’art comme générateur de changements sociaux
Chez la compagnie de théâtre The Frank, l’art théâtral peut agir comme un moteur d’évolution sociale et de prise de conscience.
En assistant à Ga Ting, les spectateurs peuvent donc s’attendre à être touchés, tout en éprouvant plusieurs émotions contradictoires allant de l’humour à la tristesse. Comme l’explique Gatchalian, « l’art a le pouvoir de changer le cœur et l’esprit des gens, d’une manière qui n’est pas possible pour d’autres types d’engagements comme la politique ».
Finalement, l’idée de représenter Ga Ting a pour avantage de remettre à l’ordre du jour les enjeux liés au multiculturalisme. « Pour des villes comme Toronto ou Vancouver, par exemple, le défi de coexister est réel et immense, mais nous devons apprendre à manœuvrer entre nos différences », rappelle le producteur artistique.
Dompter le cosmopolitisme est donc ce qui constitue l’essence de cette pièce et en fait le vecteur d’un message puissant. Divertir et éduquer, voilà les maîtres mots de Ga Ting et, certainement, l’une des raisons de son succès.
Ga Ting, du 8 au 19 mars au Cultch sera présenté avec surtitres cantonnais et anglais.