Le mercredi 2 mars dernier, s’est tenue, à Toronto, une Journée de réflexion sur l’immigration francophone. Cette rencontre annuelle, rassemblant intervenants communautaires, chercheurs et représentants gouvernementaux, a pour objectif de faire le point sur l’immigration francophone ainsi que d’identifier les pistes d’avenir. J’ai d’ailleurs moi-même participé à cet évènement en 2014.
La Journée de réflexion célébrait son 10e anniversaire cette année. La décennie est un moment charnière. C’est l’heure des bilans. Qu’avons nous accompli jusqu’à ce jour ? La question est pertinente autant pour les intervenants communautaires que pour les chercheurs et les représentants gouvernementaux.
Le gouvernement fédéral et les provinces ont-ils mis tout en œuvre pour favoriser l’accueil et la rétention des immigrants en francophonie canadienne ? Les intervenants communautaires ont-ils été en mesure d’appuyer les nouveaux arrivants et de contribuer à leur intégration sociale et économique ? Enfin, les chercheurs ont-ils développé des nouvelles connaissances ou des données probantes dans le champ de l’immigration francophone ?
Nul doute que les questions sont complexes et que les réponses méritent d’être nuancées. Cela étant, permettez-moi quelques éléments de réponse.
En francophonie canadienne, l’immigration est un dossier chaud depuis le début des années 2000. Des objectifs concrets ont été rapidement identifiés et rendus publics.
En 2003, suite à des revendications soutenues de la part de la Fédération des communautés francophones et acadienne, ainsi que du Commissariat aux langues officielles du Canada, le gouvernement fédéral a publié un Cadre stratégique relativement à l’immigration francophone. En 2006 suivra un Plan stratégique. Ces deux documents de base ont été préparés par des comités conjoints, rassemblant des représentants gouvernementaux et communautaires.
Le Cadre stratégique avait pour premier objectif que 4,4 pour cent des immigrants à l’extérieur du Québec soient d’expression française, soit entre
8 000 et 10 000 immigrants chaque année. On souhaitait atteindre ces cibles en 2008.
Treize ans plus, les immigrants francophones ne représentent qu’environ 1% du nombre total d’immigrants hors Québec. Pour la période 2006–2011, Statistiques Canada établit la proportion des immigrants francophones hors Québec à seulement 1,46%.
L’histoire est similaire en Ontario. La province avec le plus grand nombre de francophones hors Québec visait 5% annuellement; l’équipe d’#ONfr dévoilait la semaine dernière que la proportion d’immigrants francophones se fixait à 2,2% en 2014.
Il y a donc loin de la coupe aux lèvres en termes de nombre absolu.
Le second objectif du Cadre stratégique était que le gouvernement fédéral contribue au développement des capacités d’accueil des communautés francophones à l’échelle du pays. Dans ce contexte, on évoquait les capacités de recrutement, de sélection, de réception, d’accueil, d’intégration et enfin de rétention des nouveaux arrivants en francophonie canadienne.
À ce niveau, l’évaluation requiert un travail de terrain. En termes de capacités d’accueil, il est à prévoir que l’atteinte des objectifs varie selon la province.
En Colombie-Britannique, le monde associatif a été déchiré – depuis recousu, il me semble – autour du dossier de l’immigration francophone. En 2014, des organismes francophones se sont disputé l’offre des services aux immigrants d’expression française.
L’enjeu était de déterminer si l’offre de services directs aux immigrants devait relever de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, ou plutôt des organismes spécialisés dans le domaine de l’immigration et de l’intégration. Au final, c’est la Fédération qui a signé l’entente avec le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et qui gère désormais ce dossier.
Nous serons en mesure de mieux répondre à la question des capacités d’accueil prochainement, puisqu’une équipe de chercheurs a récemment obtenu des fonds pour étudier les services offerts aux immigrants francophones dans les quatre provinces de l’Ouest et les trois territoires.
Concluons sur une note positive : le ministre de l’Immigration, M. McCallum, s’est montré ouvert et à l’écoute durant la Journée de réflexion sur l’immigration francophone la semaine dernière. À suivre donc au cours des prochains mois.
Rémi Léger est professeur en sciences politiques à SFU.