D’abord c’était la faute des spéculateurs quand le marché du condo a explosé dans les années 90. Le prix des appartements augmentait à une vitesse folle et la vente spéculative était courante. Le marché s’est à peu près stabilisé. Les prix ont continué de monter mais à une cadence plus normale.
Récemment c’est le marché de la maison unifamiliale qui s’est mis à flamber. Les experts, les présumés experts, ceux qui n’ont aucune prétention d’avoir quelque expertise que ce soit en la matière, dont l’auteur de cette chronique et autres journalistes, en fait presque chaque résident de Vancouver a sa propre explication sur les causes de cette escalade constante du prix de l’habitation unifamiliale, phénomène actuellement unique au monde. Après avoir tout essayé, cherché partout, fouillé dans tous les coins, on aurait convenu que ce n’était pas la faute des acheteurs étrangers si les prix continuaient de s’emballer. Parce que souvent, quand on ne trouve pas dans sa cour, c’est parce que c’est la faute aux étrangers. Demandez à Donald Trump.
Ah non, en fait c’est la faute aux agents immobiliers qui font grimper les prix par le procédé de cession de vente, c’est à dire en revendant à plusieurs reprises et à différents acheteurs successifs le contrat original de vente, procédé aussi connu sous le nom d’opération de vente-rachat ombrageuse… Le résultat est que la vente finale se fera à un prix considérablement plus élevé que celui que recevra le vendeur, sans qu’il n’en sache rien. Le fait est qu’au bout du compte il y a un vrai acheteur qui est prêt à payer le prix gonflé. Ah ! les méchants agents ! En fait cela n’aurait qu’une faible incidence sur l’ensemble du marché, parce que la pratique, bien qu’elle existe, n’est pas répandue. Mais le résultat est clair. Dans ces cas-là les prix ont monté. Ah ! les méchants agents immobiliers ! Il faut donc continuer de chercher ailleurs.
Ce doit donc être la faute de ceux qui n’habitent pas leur maison ou leur appartement en copropriété. Après tout il y en aurait au total plus de 12 000 à Vancouver dont la majorité, soit plus de 10 000, sont des condos. L’astuce pour faire cette recherche est habile. Il s’agissait de consulter les fichiers de BC Hydro des dernières années. Les fichiers qui restaient inactifs, donc où la consommation était sous la normale ou bien où il n’y en avait pas pour plus de douze mois étaient comptabilisés dans la colonne des résidences vides. Mais voilà, ces chiffres ne sont pas bien différents de ceux relevés il y a une douzaine d’années ni de ceux observés dans d’autres villes canadiennes de taille comparable à Vancouver.
Ah oui, mais on n’a pas compté les maisons pour lesquelles on a émis un permis de démolition. Il y en a en moyenne près de mille actuellement. Ça doit bien avoir un effet sur la baisse de l’offre de la maison unifamiliale, toutes ces belles demeures en voie de disparition. Mais voilà, la majorité sera remplacée par des immeubles à logements multiples, comme c’est le cas le long de Cambie, où la proportion va en moyenne de 6 à plus de 26 unités de logement là où il n’y en avait qu’une avant sa démolition par son nouveau propriétaire qui voulait le terrain sur lequel elle se trouvait, mais pas la bâtisse.
Bon, ce n’est pas donc pas non plus la cause de la flambée des prix de l’immobilier.
Dans leur ensemble ces éléments contribuent jusqu’à un certain point à la crise actuelle du logement mais pas à hauteur de 20% d’augmentation par rapport à pareille date l’an dernier. La raison principale est le manque d’offre. La demande est trop forte. Tout le monde veut venir habiter ici, même les sans-abris et il n’y a ni l’espace et encore moins la volonté politique pour construire de nouvelles maisons unifamiliales à Vancouver. Pour ce type d’habitation, il faut donc aller voir en banlieue. Pour ce qui est des appartements en copropriété, on ne cesse de construire de nouveaux immeubles et tant que la demande ne sera pas inférieure à l’offre, là aussi les prix continueront d’augmenter. Reste deux solutions : augmenter les salaires de tous ceux qui veulent acheter pour qu’ils puissent se le permettre…ou attendre l’éclatement de la bulle, ce que l’on nous promet depuis les 25 ans que j’habite Vancouver.
En même temps il faut surtout accroître par tous les moyens possibles, crédits d’impôts, incitatifs financiers, projets d’infrastructure, etc. le nombre de logements locatifs. Ce sont les locataires qui ne peuvent ou ne veulent pas devenir propriétaire qui ont le plus besoin d’aide.
En attendant, le gouvernement provincial s’apprêterait à taxer les spéculateurs et autres propriétaires absents, alors que la ville continue de profiter de la manne des impôts fonciers.
Souhaitons que ces sommes inespérées iront vers les projets de construction de logements locatifs à loyer accessible.