L’expression du corps, seul rempart contre l’oppression de l’esprit ? Voilà ce que vous pourriez vous demander en voyant le tout nouveau spectacle de danse ReVoLt, présenté dans le cadre de la série des Global Dance Connections 2015–2016, par le Centre de danse de Vancouver. Créé par la compagnie belge Thor, ce solo de danse soulève de nombreuses questions à propos de l’oppression des femmes dans le monde, en plus d’inviter à repenser à l’oppression de chacun, et ce, à toute échelle.
Voilà des mois que le féminisme et la lutte de celles et ceux qui portent le mouvement sont relayés par les médias, et s’inscrivent lentement dans l’agenda politique des pays occidentaux. Longtemps après le manifeste d’Olympe de Gouge, le mouvement des suffragettes et le discours de Simone Veil à l’Assemblée nationale française pour légaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le constat demeure évident : beaucoup de chemin reste à faire.
Aujourd’hui, on entend la voix de celles et ceux protestant depuis des années contre ce qui constitue la norme, soit le sexisme et les inégalités entre hommes et femmes à de nombreux niveaux. Le tout englobé par deux mille ans d’éducation chrétienne et un modèle social fondé sur le patriarcat. C’est-à-dire, un modèle dans lequel les hommes exercent le pouvoir politique, économique, religieux et où ils dominent également au sein de la famille. La politique ne fait pas exception et s’empare également du mouvement. Preuve à l’appui, le Premier ministre Trudeau s’est par exemple qualifié de « fier féministe » et a respecté la parité au sein de son cabinet ministériel dès le début de son mandat. Un long chemin vers l’égalité entre les hommes et les femmes donc. Mais en ce qui concerne les droits et libertés de chacun, pourrait-on parler d’une oppression globale ?
Pour Thierry Smits, directeur artistique de la compagnie Thor et chorégraphe de ReVoLt, on connaît actuellement un mouvement liberticide global et il n’y a « finalement qu’un seul territoire qui nous appartienne réellement, c’est notre carré de corps ». C’est pourquoi, il a créé cette chorégraphie à forte connotation politique.
ReVoLt est un solo qui met en scène une jeune femme, l’Australienne Nicola Leahey, luttant au sein d’un carré de scène illuminé. Sur une scène vide, la danseuse effectue des mouvements formels et répétitifs et essaie d’échapper à « une force invisible » en vain. C’est « la répétition qui fait la force du combat » dans cette chorégraphie. Durant une cinquantaine de minutes, le combat est ponctué par des « nuits noires » qui rythment la lutte de la jeune femme. Bien que ce soit sujet à interprétation, Smits voit l’espace dans lequel évolue la danseuse tel une « cellule de prison », un environnement claustrophobe.
Une lutte de libération
Ce spectacle est une « métaphore qui se répète », une « lutte de libération » qui s’applique à l’oppression des femmes et du corps féminin. Le point de départ du projet était effectivement de construire une lutte à la fois extérieure et intérieure. À la suite de la lecture de témoignages de femmes partant combattre le djihad en Syrie, un « combat fondamental, un combat pour la vie » pour ces femmes selon Smits, la danseuse et le chorégraphe ont décidé de s’inspirer de cette force pour créer ReVoLt.
Le culte de la santé
Dans un spectacle qui s’adresse à tous, Thierry Smits semble appeler à la vigilance. On évoluerait selon lui dans un environnement liberticide atteignant nos droits et passant par des moyens détournés pour restreindre notre liberté. Le corps médical, par exemple, serait responsable d’un grand nombre de croyances et de principes au sein de nos sociétés, prônant la bonne santé, incitant à l’arrêt du tabac, invitant à manger ceci ou cela, qui à terme, créeraient une limitation de nos libertés.
Enfin, politiquement engagé, ce spectacle invite à la prise de conscience et à la résistance perpétuelle car malgré sa lutte, la jeune femme n’est pas totalement libérée une fois les lumières éteintes. Pour Smits, « on n’est jamais complètement libéré, il y a une certaine continuité du combat et il faut pas baisser la garde car si on s’arrête, on risque de subir de nouveau l’oppression ».
ReVoLt sera joué les 5 et 7 mai
à 20h au Scotiabank Dance Centre,
677 rue Davie, Vancouver.