Dans le temps, à l’époque des télégrammes, des trains à vapeur et des téléphones à manivelle, les voyageurs les moins fortunés trouvaient passage sur les bateaux de marchandises. Ceux qui n’avaient pas un sou pouvaient même parfois travailler à bord pour payer le voyage.
Le chargement et déchargement du navire était l’affaire de plusieurs jours et une escale durait souvent plus d’une semaine, suffisamment de temps pour que les marins aillent dépenser leur paie dans les bars et les bordels qui faisaient partie des infrastructures portuaires de toutes les grandes destinations maritimes.
C’est ainsi que les marchandises, tout comme les maladies vénériennes, passaient allègrement d’un continent à l’autre. Mais cette époque héroïque, où les gens osaient même faire du vélo sans casque, est depuis longtemps révolue.
Cependant, 90% du commerce mondial se fait toujours par mer et certains cargos continuent de prendre des passagers. La grande différence est que, de nos jours, voyager sur un cargo coûte beaucoup plus cher que de se déplacer en avion. Finies les longues escales dans les ports exotiques. Avec les porte-conteneurs modernes, les escales durent rarement plus de six à douze heures et s’effectuent le plus souvent dans des zones industrielles situées loin des centres-villes. Les cabines sont souvent spacieuses et confortables, mais ce ne sont pas des paquebots de croisières et il n’y a donc rien pour distraire les passagers. Les repas sont pris dans la salle à manger des officiers. Sur les bateaux français, les passagers auront du vin à table, mais sur les navires appartenant à des compagnies scandinaves ça ne rigole pas, l’alcool est interdit. De toute façon, que ce soient des vaisseaux français, comme ceux de la grande compagnie CMA-CGM ou des vaisseaux danois comme ceux de la compagnie MAERSK , l’équipage vient des quatre coins du monde et la langue de travail est l’anglais. Les cargos ne transportent jamais plus de 12 passagers car au-delà de ce nombre, la législation internationale impose qu’il y ait un médecin à bord. En fait, les cargos prennent rarement plus de 4 ou 5 passagers.
Sur les cargos, le passager typique est souvent un homme, ou plus souvent une femme, à la retraite. C’est logique car il faut avoir le temps. Il faut s’y prendre des mois à l’avance et accepter l’idée que la date et l’heure de départ peuvent changer avec très peu de préavis. Il faut se plier à la règle du jeu. Sur un cargo, les marchandises sont prioritaires. Il faut aussi avoir les moyens car le tarif habituel tourne autour de 150 $CAD par jour, plus le retour en avion si l’on ne reste pas sur le bateau pour un voyage complet. Ces contraintes ne rebutent pas les amateurs, ce qui explique qu’il faille s’y prendre des mois à l’avance pour trouver une place sur les lignes les plus demandées. Des retraités fortunés font chaque année un long voyage sur un cargo. Ils parlent avec enthousiasme des journées paisibles, des heures de lecture ininterrompues par le téléphone ou internet et des paysages qui défilent lentement lors de la traversée du canal de Suez ou de Panama.
Parmi les trajets très prisés des amateurs de voyages en cargo, on note la ligne qui relie la France métropolitaine aux Antilles françaises et les voyages d’Europe jusqu’en Extrême-Orient via le Canal de Suez. S’il faut compter de 10 à 14 jours de mer pour les voyages transatlantiques et de 40 à 45 jours pour rallier l’Extrême-Orient à partir de l’Europe ce n’est pas assez long pour les fanatiques des longs voyages en mer. Ceux-là opteront peut être pour la ligne qui offre un voyage de 85 jours du Havre à la Nouvelle Zélande via Panama, Tahiti, Nouméa et l’Australie et retour au Havre.
Pour les aventuriers qui ont soif d’imprévu, il y a toujours la compagnie polonaise Polsteam. Vous embarquez dans un port canadien des Grands Lacs où le navire charge du blé, mais ce n’est qu’au dernier moment que le capitaine connaît la destination qui sera, selon les contrats de vente négociés pendant la traversée, quelque part en Afrique du Nord, au Proche-Orient ou en Europe. Donc, quand vous regardez un navire marchand entrer ou sortir du port de Vancouver, dites-vous bien qu’il a peut-être une petite place pour vous à bord… Si vous n’êtes pas pressé.