Le printemps signale le retour d’une tradition saisonnière qui prend de plus en plus d’ampleur à Vancouver, la reprise des marchés fermiers en milieu urbain. Fondé en 1995, le Vancouver Farmers Market organise des marchés fermiers dans la plus pure tradition du genre. Depuis sa création, l’achalandage annuel est passé d’une dizaine de milliers la première année à plus de 425 000 personnes l’année dernière, alors que le nombre des sites est passé de 1 à 8. Ce sont Nat Bailey ouvert de la fin octobre à la fin avril et les 7 autres ouverts du début de mai à la fin d’octobre (Trout Lake, West End, Kitsilano, Main St Station, Hastings Park, Mt Pleasant et Yaletown).
Un des derniers sites était celui de Yaletown, ouvert en 2013 qui avec Trout Lake constituaient les deux plus populaires de l’ensemble. Il a connu une augmentation de sa fréquentation de 45% en 2015 par rapport à 2014. Je dis bien « était » parce qu’à compter du 2 juin, le VFM a choisi d’abandonner cet emplacement sur la rue Mainland entre Helmcken et Davie à cause d’une chicane interne au sein du Yaletown Business Improvement Association (YBIA) et une douzaine de ses membres qui la poursuit en cour suprême de la Colombie-Britannique.
Le marché de Yaletown qui se tenait tous les jeudis de mai à octobre sur la rue Mainland, à l’invitation d’ailleurs du YBIA aura lieu sur la terrasse du Queen Elizabeth Theatre au coin de Georgia et Hamilton. La douzaine de membres qui poursuit le Yaletown BIA qui compte plus de 900 membres, allègue que l’invitation au VFM a été lancée par le conseil d’administration sans consultation préalable des ses membres et que la fermeture de la rue qui en a résulté élimine l’accès à la quarantaine d’espaces de stationnement déjà limitées en temps normal et que la tenue des marchés n’a pas eu d’effets positifs mesurables sur leurs commerces.
Voilà qui est un argument étonnant, puisque d’après le VFM ce site accueille en moyenne 4 000 visiteurs par marché. Pour l’ensemble de la saison de 25 semaines, c’est une fréquentation potentielle de 100 000 passants qui, dès cette semaine ne passeront plus par là. Étonnant parce que les clients du marché qui viennent en voiture, doivent aussi se garer ailleurs que sur la rue Mainland…ce qui ne les empêche pas de venir nombreux, en plus des résidants du quartier et des environs qui viennent soit à pied, en SkyTrain ou à vélo.
Il est difficile de comprendre pourquoi ces douze commerçants qui se sentent menacés par le marché n’ont pas ciblé cette clientèle potentielle avec des activités de promotion croisée, par exemple en l’invitant à venir luncher, prendre l’apéro ou dîner tôt ou en lui proposant des offres spéciales ou d’autres remises à titre de client du marché, au lieu de tenter de s’en débarrasser. Ce ne sont pas les deux douzaines d’espaces de stationnement retrouvées cette semaine qui vont compenser pour la perte de ces 4 000 clients potentiels perdus, maintenant que le marché est parti.
Reste à voir maintenant comment le nouvel emplacement sur la terrasse du Queen Elizabeth Theater réussira à attirer une autre clientèle qui sera certainement différente de celle de Yaletown. Elle sera composée d’employés de CBC-Radio-Canada, de la bibliothèque centrale de Vancouver, d’autres fonctionnaires fédéraux et employés de bureaux du quartier, en attendant que le Bureau de Poste soit converti en complexe immobilier et commercial qui comptera entre autres 850 nouvelles unités de logement, en plus des tours de logements qui continuent de lever comme des petits pains chauds partout autour de BC Place et du Rogers Centre. Viendra ensuite, un jour, le nouveau Musée des beaux-arts de Vancouver.
Le VFM n’a pas pris la décision de déménager de gaieté de cœur, mais a préféré s’en aller que de risquer d’être éclaboussé par la tourmente d’une poursuite légale, qui maintenant sera sans doute abandonnée.
Mais vraiment, quelle étroitesse d’esprit étonnante de la part de cette douzaine d’entreprises parmi lesquelles on peut compter Earl’s, Yaletown Pub, Bar None, Bistro Sakana et L’Antipasto ! Ce coin de Yaletown était un endroit idéal pour un marché fermier urbain, dans une rue qui est au cœur de la lancée de la densification de Vancouver au lendemain d’Expo 86.
Quel manque de vision et de perspicacité uniquement dans le but de retrouver une vingtaine d’espaces de stationnement, le tout au détriment d’une activité socio-culturelle communautaire et populaire qui ne pouvait qu’enrichir la texture urbaine de ce quartier.
Y a pas que la rue qui est étroite…