Les populations autochtones au Canada s’inscrivent dans un passé d’assujettissement, de privation des droits, de déplacement et d’assimilation forcée. Toutefois, dans cette lutte, une tendance émerge pour la préservation de la culture, de la langue et des traditions. À la redécouverte de ses racines, l’artiste d’origine michif Amanda Strong s’est inspirée de l’histoire de ses ancêtres et du passé colonial du Canada pour son exposition Four Faces of the Moon présentée à la galerie Grunt à Vancouver du 21 juillet au 20 août.
Depuis les débuts artistiques d’Amanda Strong, ses œuvres ont toujours été influencées par ses racines. Ce nouveau projet ne fait pas exception : elle fait de la culture autochtone le noyau même de sa trame narrative.
L’idée de Four Faces of the Moon est apparue il y a quelques années lors de ses recherches sur ses ancêtres. Progressivement, certaines vérités ont commencé à être révélées. « Parallèlement à ma propre histoire et à la recherche de l’identité de mes ancêtres, j’ai découvert l’horrible vérité du génocide du buffle. L’abattage du bison, la construction du chemin de fer et bien d’autres tactiques ont été utilisés pour contrôler et affamer des nations, laissant de nombreuses familles sans terres, logement ou nourriture, en forçant beaucoup à s’assimiler à la population locale, créant ainsi une identité cachée », raconte Amanda Strong.
Selon la réalisatrice, si une seule génération ne transmet pas sa langue et ses connaissances à la génération suivante, cela suffit pour que l’identité des générations futures soit perdue. Poussée par le désir de remettre en question les conséquences de ces évènements, elle construit donc son histoire autour de la mémoire de la langue et de la nation.
Redécouverte
Pour Four Faces of the Moon, Amanda Strong n’a pas travaillé seule : « Ça me donne des frissons de voir le processus et de voir cette idée prendre vie. Nous allons raconter notre propre histoire avec une équipe principalement constituée d’autochtones et de femmes ».
L’ambition de cette œuvre et la portée de l’histoire couverte sont importantes. Paradoxalement, la « simplicité » a été de mise avec des personnages, costumes, et décors confectionnés à la main. Amanda Strong affirme également que la technique du stop-motion est un bon moyen de couvrir ce sujet sans trop de contraintes de lieux. Pour information, le stop-motion est une technique ressemblant à celle du dessin animé (succession d’images fixes pour donner une impression de mouvement) réalisée avec une caméra et des objets physiques.
L’exposition ne sera pas seulement constituée de la projection du court métrage. Elle sera en trois dimensions dans la mesure où seront présentés les accessoires et décors, permettant ainsi au spectateur de remarquer les petits détails qui se perdent à l’écran. La montagne de crânes de buffles – pièce maîtresse de l’exposition – et de nombreux morceaux délicatement travaillés seront exposés. L’univers auditif n’est pas délaissé, les vents des prairies et les langues autochtones étant à l’honneur. Conséquemment, le film n’est pas en anglais. L’histoire est racontée en quatre langues : michif, ojibwa, cree et nakota. L’incompréhension du langage fait partie de l’expérience et de la beauté de l’exposition.
Pour les générations futures
Soutenue par la CBC Short Docs lors de la présentation du plan détaillé de son projet, Amanda Strong a réussi à passer le comité de sélection de la galerie Grunt pour être exposée. « Le travail d’Amanda est unique en partie à cause de sa perspective originale en tant que jeune artiste en animation d’origine métisse. Elle est une de ces voix qui est sous-représentée dans le monde des galeries d’art », affirme Kari O’Donovan, directrice des communications de la galerie Grunt.
D’ailleurs, Amanda Strong commence à se faire un nom sur la scène internationale. Récipiendaire de nombreuses bourses du Conseil des arts du Canada et de prix (récemment le Vancouver Mayors Arts Awards for Emerging Film and Media Artist), ses travaux d’animation ont attiré l’attention parmi les plus grands festivals internationaux de films au monde : Cannes, Toronto, Vancouver, pour ne citer qu’eux. « Ce projet (Four Faces of the Moon) a pour but d’en révéler plus sur cette histoire et sur l’identité de ces personnes, mais aussi de rétablir les liens avec leur pratique culturelle autochtone », conclut Amanda Strong.
En 2016, connaissons-nous complètement l’histoire des Premières nations ? L’histoire des métis du Canada a souvent été écrite et parlée, mais pas entièrement comprise. La culture autochtone a changé, s’est faite discrète, mais elle demeure. Pour le moment, Amanda Strong fait passer le message pour les générations futures par le biais de son art.
Four Faces of the Moon, une exposition d’Amanda Black
Du 21 juillet au 20 août à la Galerie Grunt, 350 2e Avenue Est, Vancouver