Aéroport de Vancouver en 1985. Simone, une Française de 66 ans, vient voir son fils établi au Canada depuis quelques années. Un employé des services frontaliers lui pose une question en anglais. Elle répond qu’elle ne parle que français. L’employé lui fait signe d’attendre. Elle attendra plus d’une heure avant qu’un employé bilingue arrive, jette un coup d’œil à son passeport et lui dise « Bienvenue à Vancouver ». Français ou anglais, c’est votre choix, disent des petites affiches dans les bureaux fédéraux. Mais il faut savoir que le « mauvais choix » vous rend passible d’une « punition ».
Vous allez me dire que 1985 était au siècle dernier et que, depuis, les choses se sont améliorées. Des améliorations sont d’ailleurs promises après chaque publication du rapport annuel du Commissaire fédéral aux langues officielles.
Pourtant, il y a 5 ans, j’ai donné à une préposée des services frontaliers de l’aéroport de Vancouver une carte douanière que j’avais remplie du côté français. La jeune femme m’a dit (en anglais) d’attendre le temps qu’elle téléphone pour obtenir un employé bilingue. Je lui ai répondu que j’étais prêt à faire ça en anglais plutôt que de perdre mon temps. Elle m’a répondu que c’était hors de question puisque le service en français était mon droit. Ma « punition » n’a duré qu’une dizaine de minutes, comme quoi, il y a eu une nette amélioration depuis 1985.
L’aéroport de Vancouver a récemment fait de gros efforts en ce qui concerne l’affichage bilingue. Comme c’est généralement le cas dans l’Ouest canadien, il ne s’agit que d’un bilinguisme symbolique et on aurait tort d’en déduire qu’il est véritablement possible d’être servi en français. Quand c’est le cas, ce n’est qu’un coup de chance.
Par contre, la chance n’était pas avec moi l’an dernier quand je me suis présenté au guichet du service chargé de retrouver les bagages perdus. Quand je me suis adressé en français à l’employée, son sourire a immédiatement disparu et elle m’a regardé avec l’air de quelqu’un qui se demande si c’est une insulte, une provocation gratuite ou une blague de mauvais goût. J’ai vite compris que si je voulais retrouver ma valise, j’avais intérêt à passer tout de suite à la « langue de Donald Trump ».
Tourism Vancouver a récemment publié des statistiques portant sur l’année 2015. L’organisme de promotion touristique s’est réjoui d’annoncer que nous avons reçu 360 000 touristes étrangers de plus que l’année précédente et que par nationalité, la plus forte augmentation était celle des Français (+ 33 %). Je sais très bien que la ville et la province n’ont aucune obligation légale à offrir des services en français mais j’ai pensé que pour des raisons de marketing, vu l’augmentation du nombre de touristes francophones, des efforts ont sans doute été faits dans ce domaine. J’avais tort, il n’y a pas la moindre brochure en français au bureau d’information touristique de Vancouver. En fait, la ville a fait des efforts pour effacer les informations touristiques en français qui existaient déjà. En effet, pour les Jeux olympiques d’hiver de 2010, des panneaux touristiques bilingues ont étés érigés aux quatre coins de la ville. Après les Jeux, la municipalité s’est donné le mal de les remplacer par des panneaux identiques, même format, même design, mêmes informations, à la seule différence que le français avait disparu.
Pour tenter de savoir ce qu’en pensaient les visiteurs francophones, j’ai lu des dizaines d’avis laissés sur le site de TripAdvisor en français. Dans l’ensemble, ils ne s’attendaient pas à trouver des services en français. Les guides touristiques les ont prévenus. Selon les commentaires récurrents trouvés sur le site TripAdvisor, les touristes français adorent la nature verdoyante aux portes de la ville, sont fascinés par les hydravions dans le port, sont choqués par le nombre de mendiants dans les rues et sont désagréablement surpris des prix pratiqués dans les bars et restaurants ainsi que des prix d’entrée dans les musées. Bref, c’est tout à fait semblable aux commentaires laissés par les visiteurs non francophones. Une remarque revient cependant souvent en ce qui concerne le musée d’Anthropologie de UBC qui est le musée incontournable de Vancouver. Il n’y a pas, comme dans tous les grands musées du monde, d’audiophones que l’on peut régler sur la langue de son choix.