Depuis 10 ans, alors même que l’économie mondiale est anémique, le secteur touristique continue d’afficher une croissance insolente. Il représente 10 % du PIB mondial, ce qui en fait un secteur plus important que les exportations de pétrole ou d’automobiles. Pour la seule Colombie-Britannique, le tourisme représente 15 milliards de dollars de revenus annuels. D’ailleurs, 2016 pourrait être une année record pour la province car, pour les 6 premiers mois, le nombre de touristes américains a augmenté de 20 %. La province affiche une augmentation de 51 % du nombre d’arrivées de visiteurs français et une surprenante augmentation de 45 % du nombre de vacanciers mexicains. C’était sans doute difficile à prévoir. En fait, l’industrie du voyage est de plus en plus imprévisible car les touristes d’aujourd’hui n’hésitent pas à changer d’avis au dernier moment.
Avec l’augmentation du nombre de vols entre Vancouver et l’Angleterre, les compagnies aériennes ont baissé leurs tarifs de 11 % (en moyenne) par rapport à l’année dernière car elles s’attendaient à ce que le remplissage des avions soit difficile dans un contexte si concurrentiel. Elles n’avaient pas pu prévoir que les Britanniques allaient voter pour la sortie de l’Union européenne ce qui n’a pas manqué d’entraîner une forte baisse de la livre sterling. La ruée vers cette Angleterre devenue moins chère ne s’est pas fait attendre. Dans les 28 jours qui ont suivi le référendum sur le « Brexit » le nombre de Canadiens débarquant au Royaume-Uni a augmenté de
4,3 %, le nombre d’Américains de 9 % alors que le nombre des arrivées en provenance de Hong-Kong bondissait d’un incroyable 30 %. À l’heure où les préparatifs de voyage se font en quelques clics, le marché touristique peut changer dramatiquement en quelques jours.
Les hôteliers français l’ont appris à leurs dépens cet été. Suite à l’attaque terroriste de Nice le 14 juillet dernier, le taux de remplissage des hôtels de la Côte d’Azur a immédiatement chuté. Des baisses, certes, de moindre envergure, ont été enregistrées dans l’ensemble de la France. À Chypre, par contre, les hôteliers ne savent plus où donner de la tête car bon nombre d’Européens, effrayés par l’instabilité croissante en Turquie, se sont tournés vers cette île qui pendant longtemps n’attirait que son lot habituel de visiteurs britanniques, scandinaves et russes.
Les professionnels du voyage investissent gros en travaux d’infrastructure et en campagnes publicitaires même si, parfois, des années d’efforts peuvent être réduites à néant par des attentats spectaculaires, des grèves très médiatisées, la dévaluation soudaine d’une devise ou des moustiques vecteurs de Zika. Ils peuvent cependant se remonter le moral en consultant les prévisions de l’organisation mondiale du tourisme. Cette agence onusienne prévoit que d’ici 2030, le tourisme international atteindra 1,8 milliards d’arrivées. Non seulement il y a, à l’échelle de la planète, de plus en plus de gens capables de financer des voyages d’agrément outre-frontière mais un nombre croissant de touristes voyagent plusieurs fois par an. En Europe, des millions de gens vont visiter des villes de pays voisins l’espace d’un weekend. En Amérique du Nord, la géographie se prête moins à ce genre d’excursion mais même là, prendre 2 ou 3 « mini-vacances » dans une année n’est plus une extravagance réservée aux riches. Des études de marketing suggèrent que si les jeunes récemment entrés sur le marché du travail sont prêts à envisager qu’ils ne posséderont jamais une maison et sont moins intéressés que leurs aînés à acheter une voiture, ils sont cependant avides de voyages.