C’est un fait établi, maintes fois étudié : la diversité ethnique et culturelle vit et prospère partout dans Vancouver et son agglomération urbaine. Pourtant, les instances politiques locales, trop tributaires de dynamiques électorales et peu perméables aux changements de la société, ne sont pas l’endroit où cette mixité se reflète le mieux. Éclairage sur l’étendue de la représentativité des minorités visibles au sein des conseils municipaux.
Selon les chiffres officiels du recensement de 2011, 45,2 % des habitants du Grand-Vancouver appartiennent à une minorité visible, locution utilisée par la législation canadienne pour désigner les groupes de populations de races non blanches. Ce taux est encore plus élevé dans des villes comme Richmond, Burnaby ou encore Vancouver, où les minorités visibles composent plus de 50 % de la population. Cependant, un rapide aperçu de la composition des conseils municipaux de ces trois villes laisse voir que cette diversité ne trouve pas d’équivalent en termes de représentation politique : les visages de Canadiens d’ascendance européenne y restent majoritaires. La politique locale serait-elle donc très loin de la mixité sociale que l’on retrouve dans ces villes de la Colombie-Britannique ?
C’est en tout cas la thèse que défend Peter Liu, membre du parti local Richmond First, pour qui l’écart entre gouvernements municipaux et citoyens ne fait pas de doute. « Dans une ville où la moitié de la population est d’origine chinoise, aucun des conseillers municipaux n’est né en Chine », regrette l’homme d’affaires, qui a lancé en février dernier un forum œuvrant à rapprocher la politique municipale des citoyens de Richmond ne maîtrisant pas l’anglais. Natif de la ville chinoise de Tianjin et au Canada depuis 2002, monsieur Liu estime qu’il est difficile pour le conseil municipal de Richmond d’exercer son rôle de représentation citoyenne si ses membres « ni ne parlent la langue ni ne fréquentent les lieux de la communauté chinoise ».
Un changement en place
Le conseiller municipal de Burnaby Sav Dhaliwal est d’un avis différent. Il juge que s’il reste du chemin à parcourir, les minorités visibles progressent peu à peu au sein des gouvernements locaux. À l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique, dont il a été président entre 2014 et 2015, et à la Fédération canadienne des municipalités où il est le président d’un de ses comités permanents, Sav Dhaliwal assure observer « un changement ». « Chaque année, il y a de plus en plus de représentants jeunes et de toutes les couleurs de peau », déclare-t-il.
Arrivé d’Inde il y a plus de 40 ans, Sav Dhaliwal est depuis 2002 conseiller de la ville de Burnaby. Au départ seul élu issu d’une minorité visible, il est aujourd’hui accompagné de deux autres membres. « Avoir des représentants provenant de différents univers culturels donne une perception de cohésion », souligne celui qui reconnaît être devenu, du fait de ses racines, la personne de référence pour les membres de la communauté sud-asiatique de Burnaby. « Indépendamment de leurs opinions politiques, ils voient en moi la possibilité de pouvoir discuter aisément. Ils savent que je peux me faire une idée de ce qui les préoccupe », affirme l’élu
indo-canadien.
L’expérience de l’immigration
La question de la participation des minorités visibles dans la vie politique locale est une des batailles menées depuis très longtemps par Tung Chan, entrepreneur et philanthrope originaire de Hong-Kong, arrivé en Colombie-Britannique dans les années 1970. Ancien directeur de l’organisation à but non lucratif S.U.C.C.E.S.S., membre du conseil municipal de Vancouver entre 1990 et 1993, Chan plaide pour qu’à l’échelle locale, « les aspirations et les expériences des immigrants soient reflétées dans les processus de prise de décision ».
L’objectif n’est pas pour autant d’avoir, dans chaque conseil municipal, un certain nombre de gens de couleur de peau ou de noms de telle ou telle origine.
« On peut avoir la même couleur de peau mais pas la même expérience de vie », affirme-t-il, faisant notamment référence aux immigrés de deuxième génération ou plus, qui relèvent d’un même groupe ethnoculturel. Selon lui, ce qui est « essentiel », c’est la présence dans les conseils municipaux de gens
« porteurs de l’expérience de l’immigration ».
« C’est en tenant compte de ce vécu et de ces visions que des politiques locales dirigées vers tous peuvent être validées », ajoute M. Chan.