Partir vivre au Canada était un rêve d’adolescente. Une quête de lointain, de grands espaces. Une vie simple, près d’un lac à l’orée d’une forêt. Un milieu naturel pour prendre racine, loin, très loin de mes terres natales : le Languedoc et le Sonora.
Le sud de la France et le nord-ouest du Mexique. Deux bouts du monde que tout oppose, en apparence. Car l’Espagne est bien là, ancrée. Au fil des siècles, dans les veines, sur les figures. Conquêtes et vagues migratoires ont semé des hybrides. Des « latins » au « latinos », en une lettre, un sens nouveau.
C’est en grandissant qu’on s’éloigne du sol. Et, paradoxalement, plus on s’en éloigne, plus on prend conscience de ses racines. Me voilà donc, Française et Mexicaine, doublement latine.
Les années passent, le songe canadien se transforme et mûrit. Vancouver, entre jungle urbaine et forêts millénaires, semble être un bon compromis. En plus, la province est anglophone. Parfait ! Je vais enfin pouvoir améliorer mon anglais.
De toute façon je n’aurais pas le choix puisque tout est à refaire : trouver un appartement, un travail, découvrir la ville, ses environs, rencontrer des gens, se lier d’amitié. Et puis, je n’ai pas spécialement envie de fréquenter des Français ou des Mexicains au Canada. Comme dirait la chanson « Ça ne vaut pas la peine de laisser ceux qu’on aime … » (merci Michel Rivard) pour finalement calquer sa vie à l’étranger.
Du moins, c’est ce que je pensais en arrivant ici en octobre 2015. Assez rapidement, je me suis mise à chercher des repères, mes repères : produits alimentaires, friperies, librairies, cafés, galeries, musées, architectures antérieures au XXe siècle. Des figures familières, si réconfortantes dans les moments de solitude.
Sans oublier les petits plats traditionnels que l’on savoure comme des madeleines de Proust. Les haricots noirs au piment jalapeño, le mole et la salsa Valentina. Ses saveurs qui me rappellent le Mexique et la cuisine ranchera de mes tantes. Presque inconnues en France, on les trouve dans tous les coins de rue à Vancouver.
Le Languedoc, quant à lui, semble plus lointain. Il y a bien quelques restaurants et supérettes de type méditerranéen à Vancouver. Tenus par des Italiens, des Libanais ou des Turcs, leurs spécialités sont délicieuses mais difficilement comparables avec celles de ma région natale.
Par contre, Vancouver a un atout non négligeable pour les Français et les Mexicains. La profusion de marchés, de traiteurs et de restaurants de très bonne qualité. Aussi, de nombreux événements culinaires sont organisés tout au long de l’année. Cela peut paraître anodin mais c’est extrêmement important car ces deux peuples cultivent un rapport quasi passionnel (et je pèse mes mots) avec la nourriture.
Un autre point commun entre les Français et les Mexicains : le comportement. Souvent plus francs que les Canadiens anglophones, les Français et les Mexicains auront plutôt tendance à se lier d’amitié assez rapidement ou, à l’inverse, à éviter totalement certaines personnes.
Au Canada, les codes de comportement entre collègues, amis ou couples semblent plus distants. Chaque relation prend un certain temps à se construire, il y a comme des étapes à suivre. En France, comme au Mexique tout va beaucoup plus vite.
C’est peut-être pour cette raison que je me suis plus rapidement liée d’amitié avec des francophones (Français, Belges, Québécois) et des latino-américains qu’avec des Canadiens anglophones. Mais petit à petit, des relations se tissent. Patience !
Lorsqu’on part vivre à l’étranger, lorsqu’on se déracine, il y a toujours un temps d’attente pour s’acclimater. Trouver ses repères tout en créant de nouvelles ramifications, telles des arborescences.
Le fait d’avoir une double culture dès la naissance n’est pas toujours facile à gérer. Mais, finalement, ça m’a beaucoup aidé à comprendre les us et coutumes d’autres pays comme le Canada. Il me reste encore beaucoup à apprendre mais une chose est sûre, il fait bon vivre à Vancouver lorsqu’on est latin(o)s.