Les sonnettes d’alarme ont retenti lorsqu’en août dernier l’Almanach du vieux fermier a publié son pronostic pour l’hiver 2016–2017 : plus de froid, plus de pluies et même de la neige dans la grande région de Vancouver. Est-ce que ces prévisions engendrent de la peur chez la communauté francophone présente dans la Colombie-Britannique, au sein de laquelle on trouve des personnes provenant d’horizons où le froid joue un rôle plutôt secondaire, voire inexistant ? Témoignages.
Si l’hiver dernier dans le nord-ouest du Pacifique a été façonné par le phénomène El Niño, caractérisé par le réchauffement de l’eau des océans, cette année-ci c’est son inverse, La Niña qui fait son entrée sur la troublante scène des évènements climatiques annuels. Cet hiver-ci est marqué par un refroidissement des eaux dans la zone équatoriale du Pacifique, ce qui devrait entraîner des températures en-dessous de la moyenne dans l’ouest du Canada pendant toute la saison hivernale.
Bien entendu, le rapport à la météo est vécu par chacun de manière très singulière et il est donc vain de dresser des généralités à son égard. Cela étant dit, les pronostics d’un rude hiver ne semblent pas être perçus comme très menaçants par les membres de la communauté francophone qui résident dans la région vancouvéroise. Car, pour eux, Vancouver représente avant tout, le dernier rempart face à l’idée d’un hiver à la canadienne.
Fuir la côte Est
La Colombie-Britannique n’est souvent pas la première destination des francophones qui arrivent au Canada en provenance d’autres réalités géographiques. Du fait de la langue, le Québec s’impose fréquemment comme point de chute. Mais atterrir dans la Belle Province implique aussi faire connaissance avec le visage le plus sévère de l’hiver. « Arriver à Montréal en pleine période hivernale a été une catastrophe » assure le Rwando-
Canadien Bony Kayigamba, qui n’avait jamais auparavant connu des températures en-dessous de zéro degré. « L’hiver a dépassé tout ce qu’on m’avait raconté. Je ne pensais qu’à prendre le prochain avion et rentrer en Afrique », avoue-t-il. Ayant souffert trois ans d’hiver québécois, M. Kayigamba et sa famille ont décidé de déménager à Surrey, persuadés que leur rapport au froid serait plus gérable.
Un parcours similaire a été suivi par le Libanais francophone Ziad Hazim. Après un séjour universitaire de trois ans à Montréal, où le froid lui a infligé des moments de « vraie panique », M. Hazim s’apprête à affronter son premier hiver à Vancouver de façon « très décontractée », sans l’angoisse de savoir, dit-il, « si l’épaisseur de la veste suffira pour survivre à l’hiver ».
Convaincue qu’elle ne parviendrait pas à s’habituer au froid de London, dans l’Ontario, Germaine Tuyisenge, également originaire du Rwanda, a opté en début d’année pour l’installation à Burnaby. Ce choix, « totalement basé sur les conditions climatiques », a permis à Mme Tuyisenge de désormais « dédramatiser la venue de l’hiver ». « Ici, je peux passer des jours sans consulter la météo, tandis qu’à London, je n’étais obsédée que par cela », assure cette doctorante à l’Université Simon Fraser, pour qui le thé au lait et au gingembre et la soupe aux champignons suffiront pour rendre plus agréable l’hiver pluvieux du Lower Mainland.
La pluie et l’obscurité
C’est en effet la pluie, omniprésente et interminable, qui dépeint comme on le sait l’hiver vancouvérois. Pour les Francophones ayant vécu à l’est du Canada, la pluie, loin de s’avérer problématique, est surtout un soulagement. « Entre la neige et la pluie, ce n’est même pas discutable », conclut Germaine Tuyisenge qui s’est déjà faite à l’idée de toujours avoir sur elle un parapluie. « Il suffit de regarder le paysage qui entoure la ville pour se rendre compte à quel point la pluie est un cadeau »,
rajoute Ziad Hazim.
Plus contraignante s’impose, par contre, l’obscurité. « Que la nuit tombe tellement tôt en hiver est très déroutant », souligne Bony Kayigamba qui voit en cela la cause rendant les gens « renfermés et individuels ». « Si au Québec on manque de chaleur, à Vancouver nous manquons de lumière », résume Marc Gagnon, un Québécois qui réside en Colombie-Britannique depuis 35 ans. Pour ce natif de Québec, cette obscurité fait des hivers à Vancouver « une période de forte mélancolie où il est facile de tomber dans le trouble affectif saisonnier ». M. Gagnon, qui estime que les hivers des deux villes impliquent un degré de difficulté comparable, révèle un remède pour les combattre et retrouver le confort : boire un bon verre de vin tard le soir chez soi, à l’abri de la météorologie du monde extérieur.
Quoique moins glacial et davantage pluvieux, l’hiver de Vancouver reste finalement… un hiver. Le moment est donc venu de se faire des petits cadeaux.
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