Ce sont la glace et la neige qui font la manchette ces jours-ci. Fini les titres qui nous renvoyaient à l’hécatombe causée par les surdoses de fentanyl. Que voulez-vous, les inconvénients et la perte d’un certain confort à cause de l’incapacité évidente de nos services d’ingénierie municipale de dégager notre réseau routier, sans parler des pistes cyclables et des trottoirs, a vite fait d’écarter de la Une le véritable drame qui continue de se vivre par surdose accidentelle causée par le fentanyl de contrefaçon, qui se retrouve dans les doses d’opioïdes consommées par nos narcomanes.
La paraphrase du célèbre refrain de la chanson Oxygène de Diane Dufresne devrait devenir un cri de ralliement pour les Canadiens qui se préoccupent de cette catastrophe nationale. Selon les statistiques disponibles pour la période de janvier à octobre 2016 il y a eu 622 morts par surdose de toutes sortes de narcotiques, seulement en Colombie-Britannique ! On peut donc faire la projection que l’on dénombrera près de 750 morts pour toute l’année. De ce nombre 60 % seraient attribuables à des surdoses de fentanyl, soit 450 morts dont la grande majorité à Vancouver et en particulier dans le Downtown East Side. On est bien au-delà d’une crise ou d’une épidémie. C’est une hécatombe ! Rappelez-vous tout ce qui a été mis en œuvre à l’échelle nationale pour combattre la crise du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) qui en 2003 a fait 44 victimes au Canada !
Et que fait-on ? On en parle, on se tord les mains. On constate l’impuissance avouée des forces policières d’endiguer le flot de fentanyl qui entre au Canada en provenance de Chine. On met à la disposition des services d’urgence des trousses de naloxone, ce produit qui dans certains cas peut renverser les effets d’une surdose d’opioïde et on augmente temporairement les sites d’injection supervisée. Mais quel en est le coût, outre le coût humain ? Je vous propose une projection basée uniquement sur le prix d’une trousse de naloxone, disponible en pharmacie, en plus du coût projeté de l’intervention d’une équipe d’ambulanciers. Chez London Drugs, au coin des rues Bute et Robson, une trousse qui comprend une paire de gants, deux doses du produit et deux seringues coûte 47,61 $. Retenez ce chiffre. En juin, on distribuait 8 000 kits de naloxone aux équipes d’urgence, pour un coût potentiel de 400 000 $ (au prix du détail bien entendu). Une intervention de BC Ambulance coûterait 530 $ pour les non-résidents de la province, ce qui nous donne une idée assez claire de ce que coûtent les services d’une ambulance et son équipe de secours. On peut donc projeter à près de 600 $ le prix d’une intervention. Pour la dernière semaine de novembre, près de 500 appels ont été faits aux services d’urgence pour cause de surdose ! Faites le calcul et on frise les 300 000 $ ! ! !
À ce chiffre il faut ajouter le coût des services d’urgence du Vancouver Fire Department qui lui aussi répond aux appels d’urgence, celui du personnel médical et de l’équipement des services de la salle d’urgence de l’hôpital Saint-Paul, les services policiers, les services sociaux et on pourrait continuer ainsi à énumérer. Est-ce que vous vous rendez compte ? L’ex-maire Philip Owen était bien conscient de l’impact que la dépendance et la lutte aux narcotiques représentaient en coûts humains et économiques pour les services municipaux et la société. C‘est pourquoi il avait mis sur pied le programme des Quatre piliers, c’est-à-dire la prévention, le traitement, la réduction des risques et la mise en application que ses successeurs Larry Campbell et Sam Sullivan ont poursuivis et tenté d’améliorer. C’est ce qui a conduit à l’ouverture du premier site d’injection supervisée au Canada et du programme expérimental de distribution de méthadone à un petit nombre d’héroïnomanes, mis sur pied par Sam Sullivan en 2007. En faisant cela, Vancouver ne faisait que suivre l’exemple de l’Allemagne et de la Suisse, entre autres pays européens, qui avaient déjà mis sur pied des programmes de distribution supervisée de narcotiques à leurs citoyens narcomanes, tout simplement parce que les administrations publiques de ces pays se sont rendu compte que ce type de programme coûtait moins cher que des stratégies de répression et de lutte contre la drogue.
On sait que la guerre contre le trafic des drogues est perdue d’avance. Il nous reste maintenant à décider de sauver des vies au lieu de tenter à tout prix de maintenir un semblant de statu quo moral acceptable à une majorité dite silencieuse. Il est moral, humain et plus rentable de fournir à ces accros un produit contrôlé qui ne tue pas ! Et imaginez qu’en prime nous ferions des économies ! La décriminalisation de la marijuana c’est bien, mais le fentanyl et les drogues dures tuent ! Le choix de la prochaine étape me paraît clair. Après tout, on est en 2017 !
Donnez-leur de l’héroïne !