Dès l’arrivée à l’aéroport international de Vancouver, on est frappé par l’agréable accueil des agents d’immigration et de la douane. Qu’il soit timide, petit ou large et chaleureux, le sourire sincère de ces agents égaie votre journée. Même si c’est la première fois que vous foulez le sol canadien, cette première rencontre avec les officiels du pays vous donne l’impression de vous sentir chez vous. Cette hospitalité semble singulière comparée à ce qu’on est habitué à vivre et à voir ailleurs, et particulièrement par rapport à mon pays, la Tunisie, où je reste perpétuellement indisposé par l’interaction sèche et la mine renfrognée de nos policiers à l’accueil à l’aéroport de Tunis-Carthage. Ceci est d’autant plus surprenant que la Tunisie est un pays soi-disant d’accueil dont l’économie repose sur le tourisme. Les agents canadiens ont, eux, fort bien compris l’incroyable impact que peut avoir un sourire en accueillant les visiteurs qui débarquent dans leur pays.
J’ai parfois de la peine à comparer ma ville natale, Sfax, ou notre capitale, Tunis, à une ville comme Vancouver, et ce, à tous les niveaux. L’urbanisme nous a toujours fait défaut. Nos villes sont presque toutes sans plans d’aménagement véritables car de tels plans ne sont, soit jamais approuvés, soit approuvés plusieurs années trop tard, une fois que le mal est fait et que l’anarchie s’est déjà installée et a fait son œuvre. On construit les habitations tout d’abord, on cherche à faire passer les routes ensuite. Les conséquences de ce laisser-
aller sont des villes mal conçues, mal organisées et très peu esthétiques, où le transport est difficile, où la première pluie crée le chaos, et où bloquer une seule artère pour le passage du chef de l’État, comme dernièrement à Tunis, paralyse la ville toute entière.
Pourquoi est-on arrivé à ce point de médiocrité dans le comportement et dans l’aménagement? Pourquoi ne pouvons-nous pas adapter nos moyens de transport aux impératifs de la vie moderne et pour le confort du citoyen? Pourquoi ne pouvons-nous pas tracer nos villes comme partout dans le monde civilisé en alignant nos routes, élargissant leur emprise, prévoyant des stationnements et de larges trottoirs, des abri-bus, des espaces piétons? Pourquoi ne pouvons-nous pas enseigner à nos enfants dès l’école à être plus respectueux d’autrui et de la propriété publique ?
En revanche, Vancouver est tracée en damier parfait. Les avenues nord-sud sont numérotées, et les avenues est-ouest sont nommées. Le déplacement se fait avec une aisance exceptionnelle. Il n’y a pas de contraste plus grand qu’avec ce qu’on peut voir et vivre dans mon pays, la Tunisie, où l’absence d’urbanisme, l’anarchie dans la construction et la spéculation immobilière ont étouffé et enlaidi toutes nos villes.
Le transport en commun à Vancouver est admirable. Les bus sont non seulement fréquents et à temps, mais disposent aussi de tous les services. Comme pour les agents de la douane, les conducteurs de bus se montrent accueillants et serviables. La ville est ainsi faite. Tous les jours en me rendant à mon travail, je suis agréablement surpris par le sourire de ces conducteurs et les signes de tête amicaux avec lesquels ils vous accueillent dans le bus. Réciproquement, les passagers échangent des « Good morning » en entrant dans le bus et des « Thank you » en descendant.
En Tunisie, les visages de nos conducteurs sont peu souriants, à la limite hostile, et les services publics peu fiables. L’usager d’un autobus est malmené de bout en bout : par les attentes sans fin, les comportements citoyens agressifs, les horaires jamais respectés, des espaces de plus en plus bondés. La priorité aux piétons est fictive, et que vous soyez âgé ou ayant des besoins spéciaux, les automobilistes et les services publics vous ignorent.
Vancouver est une ville cosmopolite et plurielle. La diversité ethnique de la ville se reflète dans son folklore, ses restaurants ainsi que l’appellation de ses rues et quartiers. Ce qui est frappant et admirable est que cette intégration de cultures a tellement bien réussi qu’elle est devenue partie prenante de l’identité même de la ville.
Une visite à Vancouver fait prendre conscience de l’énorme gouffre qui sépare mon pays, la Tunisie, du monde véritablement civilisé dans plusieurs domaines.