À deux semaines du dévoilement du scrutin des élections provinciales 2017 nous sommes déjà en mesure de tirer quelques conclusions. La première, celle qui me saute aux yeux immédiatement, consiste à observer que les déboires, les mésaventures et les lubies de l’administration américaine actuelle ne tiennent plus le haut du pavé de l’information quotidienne dans nos journaux provinciaux. C’est, certainement, vous l’admettrez, une bonne chose.
Enfin nous pouvons nous intéresser un peu à ce qui se passe chez nous. Il était temps.
Je commençais à perdre patience et à me faire du souci sinon des complexes, nous trouvant, nous, braves Canadiens, insignifiants, peu importants. Je peux enfin, en tout honneur, respirer; nous ne sommes plus la dix-neuvième roue de la semi-remorque américaine. Nous avons retrouvé notre raison d’être.
À ce stade-ci, où en est la campagne électorale ? Nous sommes pour le moment dans une impasse. Impossible de prédire qui va l’emporter. Les libéraux, qui jusqu’à la dissolution de l’assemblée législative détenaient 48 sièges, seraient à égalité dans les intentions de vote avec les néo-démocrates qui eux en possédaient 35 alors que les verts et le pas mûr (indépendant) en avaient un chacun. Vous additionnez le tout et vous obtenez 85 députés et une population dépitée. En 2017, deux de plus viendront compléter le tableau, cela nous donnera 87 bouches à nourrir.
Certains sondages, à l’heure où je concocte cette chronique, donnent pour le moment un léger avantage au NPD. De quoi réjouir ceux qui décident ou désirent, à juste titre, car le pouvoir trop longtemps tenu corrompt, un changement de gouvernement.
Mais, dois-je le rappeler, les néo-démocrates d’Adrian Dix lors de la dernière élection provinciale, possédaient une avance de 17 % dans les sondages avant que le bateau socialo-centriste sombre lamentablement au fond de la mer électorale, victime de grosses avaries auto-infligées.
Les néo-démocrates ne semblent pas apprendre de leurs erreurs. Leurs leaders commettent bévues sur bévues, les privant, avec leur parti, du pouvoir depuis 2001. Contre toute logique ils s’étaient tout d’abord opposés à la taxe sur le carbone préconisée par Gordon Campbell, l’ancien premier ministre du Parti libéral de la province, contribuant ainsi à son maintien au pouvoir lors des élections de 2009 face à la néo-démocrate Carole James. Puis, sur un coup de tête incompréhensible, leur nouveau chef de file, en pleine campagne électorale de 2013, décide de s’opposer au projet d’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan. Un revirement dont l’actuelle première ministre sut tirer profit.
Je me demande : quel genre de balourdise doit-on s’attendre de la part de John Horgan, leader du NPD, avant le 9 mai ? J’espère aucune car les élections sont déjà pas mal pipées : les libéraux bénéficient, contre toute exigence démocratique et à la limite de la légalité, des largesses excessives des donateurs : 12 millions de dollars cette année, croit-on savoir. De quoi élire n’importe qui, n’importe où. L’argent ne fait pas le bonheur ? Vous rigolez. Ça fait au moins le bonheur de ceux qui en possèdent et qui peuvent ainsi acheter les largesses de tout gouvernement.
De plus Christy Clark, qu’on ne l’aime pas ou qu’on la déteste, demeure une candidate aguerrie, accomplie pour ne pas dire enviée, lorsqu’elle chausse ses gros sabots de campagnarde électorale. Elle possède le charme d’un serpent à sonnette qui, comme le cobra, connaît la musique.
John Horgan, qui a beau être un homme honnête, un citoyen dévoué plein de bonnes intentions et de bonne volonté, doit, de surcroît, lutter contre le Parti vert provincial qui, sans doute comme en 2013, lui coûtera des voix et fort possiblement la victoire.
Les élections, j’ai tendance à croire, ne se jouent pas sur les enjeux dont seuls les journalistes et les analystes de tout genre semblent se préoccuper. Non, les élections se gagnent sur des questions de perceptions. Les apparences comptent. Ce n’est pas pour rien que Dame Christy la tête à Clark exhibe son sourire et sa garde-robe à longueur de journée électorale. John Horgan peut bien porter à l’occasion un foulard sikh, force est d’admettre qu’esthétiquement il ne paie pas de mine face à sa rivale enfourchant un casque de mineur sur la tête qui, comme ses chevilles, enfle à vue d’œil.
Et, puisqu’il est question d’esthétique et de perception, avouez que les panneaux et affiches des candidats du NPD font pitié à voir. D’un orange délavé, terne et peu inspirant, ils ne rendent pas justice aux valeurs que le parti désire véhiculer. Observation superficielle me direz-vous, mais combien valable et judicieuse selon ma belle-sœur esthéticienne.
Alors monsieur Horgan, soyez audacieux, vous avez encore quinze jours pour mettre davantage de couleur à votre campagne. Qui sait ! Les électeurs pourraient voter pour vos beaux yeux et non ceux de Christy Clark. Mais avant tout, surtout n’oubliez pas, histoire de ne pas entraver vos chances, tournez sept fois votre langue dans la bouche avant de vous prononcer.