À partir du 5 mai et jusqu’au 15 octobre, l’artiste hongkongais Tsang Kin-Wah s’expose sur les murs de la Art Gallery de Vancouver. Deux œuvres sont présentées en extérieur, à la façon de papiers peints aux motifs floraux, et dénoncent le racisme antichinois historiquement récurrent.
Cette année 2017 marque les vingt ans de la rétrocession de Hong Kong à la Chine par la Grande-Bretagne. À cette occasion, la Art Gallery de Vancouver organise une série d’expositions d’artistes hongkongais. C’est dans ce cadre que Diana Freundl, commissaire de l’exposition, a invité Tsang Kin-Wah à venir présenter son word-art pour la première fois au Canada.
Un artiste d’envergure internationale
L’artiste, né en Chine en 1976, a grandi et vit à Hong Kong. Il a étudié à la Chinese University de Hong Kong et au Camberwell College of Arts de Londres. Très vite, il s’intéresse à la relation entre texte, image et narration. Son travail de wallpaper art consiste à former, à partir de mots obscènes, des motifs floraux ou animaux. Leurs lignes courbes rappellent le mouvement artistique anglais Arts and Crafts initié par William Morris ou l’Art Nouveau français. En plus des nombreux prix artistiques qu’il a reçus, Tsang Kin-Wah a été choisi pour représenter Hong Kong à la Biennale de Venise en 2015.
Si Tsang Kin-Wah est plus habitué à des installations multimédias à l’intérieur de grands musées du monde, comme au Guggenheim de New York, au Mori Art Museum de Tokyo ou encore au Museum of Design de Zurich, c’est en extérieur que sont présentées ici deux œuvres de grand format pour « continuer la discussion sur l’identité en dehors des murs du musée », comme l’indique Diana Freundl. Elle poursuit en racontant que l’idée de cette exposition était de « rendre le racisme, d’ordinaire insidieux, visible par tous ».
Des mots pour le montrer
Tsang Kin-Wah utilise en effet des mots injurieux envers les immigrants chinois relevés dans les journaux et les différentes campagnes politiques à Vancouver. Ces termes sont apparus lors des émeutes anti-chinois de 1887, lors des vagues d’immigration de Hong Kong au milieu des années 80 ou, plus récemment, lors des tensions concernant le marché immobilier local et les investisseurs étrangers. Avec ces mots, Tsang Kin-Wah dessine des motifs floraux, le racisme est ainsi masqué par la nature.
Les lettres en vinyle, découpées par ordinateur et collées sur les murs, forment deux fresques. L’une est visible Onsite sur la façade de la Art Gallery sur la rue Howe, l’autre Offsite au 1100 rue Georgia ouest, entre les rues Thurlow et Bute, dans un espace que la Art Gallery consacre pour la quinzième fois à des installations d’art contemporain. Dans ces deux œuvres que quelques rues séparent, les couleurs complémentaires, l’une verte et l’autre rouge, s’opposent. Les mots violents de l’une répondent à ceux, plus accueillants, de l’autre. L’une représente des vignes, des cannes de bambou, l’autre un dragon, symbolique de la culture chinoise.
Une horrible beauté
Intitulées respectivement EITHER/OR et EITHER/OR, les pièces de ce diptyque signifient, comme l’explique Tsang Kin-Wah, que « le monde semble de nos jours plus clivé, sans espace entre deux pôles. Nous n’avons plus que deux choix et, d’une certaine manière, sommes forcés de choisir l’un ou l’autre ». L’œuvre artistique qui s’offre aux yeux du spectateur représente ce choix.
On ne peut qu’être frappé par le paradoxe qu’il y a entre la violence des mots utilisés, les idées racistes et l’impression d’harmonie qui ressort de ces motifs floraux. « J’aime donner à voir les façons de penser latentes aux spectateurs, bien qu’elles soient moches. Il y a beaucoup de choses laides et sales qui sont masquées dans nos sociétés et parfois, nous connaissons leur existence, mais nous voulons les ignorer », confie Tsang Kin-Wah. Son message n’est « résolument pas un message de paix », comme il le déclare, lui qui a subi le racisme. Son art explore la nature humaine, donne à voir sa laideur, dans toute sa splendeur.
Exposition Onsite/Offsite:
Tsang Kin-Wah
Du 5 mai au 15 octobre
Art Gallery de Vancouver
1100 rue Georgia ouest
Accès libre
Rappel historique
Malgré le rôle important des Sino-Canadiens dans la construction du chemin de fer Canadian Pacific, beaucoup de Canadiens d’origine européenne sont hostiles à l’immigration chinoise, comme l’ont révélé les émeutes anti-Chinois de l’hiver 1886 ou de 1907 à Vancouver. De 1885 à 1923, les immigrés chinois doivent payer une taxe de plus en plus importante pour entrer sur le territoire.
De plus, les Canadiens d’origine asiatique sont privés du droit de vote. Jusqu’en 1930, ils ne peuvent acquérir de bien immobilier en dehors de la zone qui leur est réservée et ne peuvent avoir d’emploi que subalterne à un salaire inférieur à celui des blancs. En 1923, une nouvelle loi interrompt pratiquement l’immigration chinoise. Cette législation discriminatoire est abrogée en 1947, en reconnaissance du lourd tribut que la communauté sino-canadienne a payé pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2006, le Premier ministre Stephen Harper présente les excuses du Canada à toutes les familles touchées par les lois discriminatoires, et en 2014, la ministre Christy Clark fait de même pour la Colombie-Britannique.
Depuis le 2 août 2016, les étrangers doivent s’acquitter d’une taxe de 15 % pour acheter un bien immobilier à Vancouver.