Le moindre article en ligne critiquant une compagnie aérienne donne lieu à une avalanche de commentaires haineux. C’est compréhensible, car, à moins de voyager en première classe ou en jet privé, les voyages en avion sont de plus en plus détestables.
Le difficile parcours commence dès l’arrivée à l’aéroport. Tel un mouton d’un troupeau en route vers l’abattoir, le pauvre voyageur obéit aux ordres : votre passeport, carte d’embarquement, à gauche, à droite, enlevez vos ceintures, déposez vos ordinateurs, écartez les bras, faites la queue, etc… Stressé, énervé, fatigué, il entre enfin dans l’avion et se glisse tant bien que mal dans l’étroit et dur siège où il restera coincé pendant des heures. Là, il doit encore écouter une longue liste d’interdits énoncée par un agent de bord/gardien de prison qui ajoute, comme s’il s’agissait d’une mauvaise blague, qu’on lui souhaite un voyage agréable. Parfois, face à un interdit de trop ou un délai non programmé, un passager plus bougon que les autres se défoule en annonçant que c’est la dernière fois qu’il voyage avec la compagnie X ou Z. Tout le monde comprend que ce ne sont là que des menaces en l’air, puisque les autres compagnies sont toutes aussi exécrables.
Mais on est bien forcé d’admettre qu’en dépit de tous ses inconvénients, le voyage en avion est tout à fait magique. Il nous permet de voyager aux quatre coins du monde même si nous n’avons qu’un revenu moyen (pour autant que nous habitions dans un pays riche). En 1945, un Australien avait besoin de 130 semaines de revenu moyen pour se payer un billet d’avion Sydney-Londres. Aujourd’hui, le même voyage ne lui coûte plus que 1,7 semaine de salaire moyen. À l’échelle de la planète, le prix moyen du billet d’avion ajusté à l’inflation a baissé de 63 % depuis 1995. Les chiffres publiés par l’association internationale des transporteurs aériens sont édifiants. Déjà, 28 000 avions sillonnent le ciel chaque jour et 1 000 nouveaux appareils entreront en service cette année. En 2017, on devrait atteindre les 4 milliards de passagers à travers le monde. Les écologistes ont prédit que l’âge d’or du voyage aérien allait bientôt prendre fin à cause du coût croissant du carburant. Pour l’instant, c’est plutôt le contraire, et la baisse du prix du carburant a permis aux transporteurs aériens de renouer avec les profits. Les avions sont responsables de 2 % des émissions de CO2 dans le monde, mais les appareils les plus modernes ne consomment plus que 3 litres de carburant par passager pour 100 km.
Nous sommes prêts à accepter beaucoup d’inconfort en échange de voyages lointains à bas prix, mais il y a des limites. Un billet d’avion est un contrat commercial aux conditions duquel une compagnie s’engage à vos transporter du point A au point B à une heure et une date prédéterminées et d’une manière, sinon confortable, tout au moins humainement acceptable.
Si une compagnie est fautive de ne pas respecter les termes du contrat, cela doit engendrer des conséquences sous forme de dédommagements. C’est ce que prévoit une loi américaine en vigueur depuis 2002 et une loi de l’Union européenne en vigueur depuis 2005. Au Canada, il est question depuis longtemps d’adopter une telle loi de protection du voyageur. Mais les efforts de lobbying des compagnies aériennes ont sans cesse remis à plus tard cette loi.
Pourtant, même si une telle loi ne transformera pas le voyage en classe économique en paradis du voyageur, elle pourrait rendre l’enfer un peu moins infernal. Même avec ces nouvelles mesures, voyager d’un continent à l’autre à bas prix restera un mauvais (long) moment à passer.