Tous les êtres vivants laissent des traces d’eux-mêmes au fil de leur vie ; mais les mots, qu’ils soient dits, écrits, imaginés ou visualisés, sont des traces propres aux êtres humains. » Cette réflexion du docteur Fuyubi Nakamura, conservatrice du Musée d’anthropologie de Vancouver (MOA), amorce parfaitement le sujet de l’exposition d’envergure Traces of Words qui sera présentée de mai à octobre au MOA. Avec 6 artistes asiatiques mis en avant et une sélection de calligraphies, peintures, contenus digitaux et des mediums variés tels que le papier, la soie, la glaise, le bois et les technologies modernes, l’enjeu ambitieux sera de faire ressentir l’expérience esthétique des mots… même quand on ne comprend pas le sens ou le langage de ces derniers.
Le travail de toute une vie
« Je suis une anthropologue qui fait des recherches sur la calligraphie japonaise depuis ces 18 dernières années », explique le Dr Nakamura pour se présenter. Ainsi, cette exposition qu’elle organise depuis près de trois ans au MOA est basée sur « des recherches de longue date », et s’inscrit dans la continuité de ses travaux : « J’ai déjà organisé des expositions similaires par le passé. » Avec une première exposition en Australie en 2010, et une seconde en Argentine en 2011, Traces of Words cette année sera sa troisième exposition sur la même thématique. Quand on lui demande la durée que cela a pris d’organiser un événement aussi grand que Traces of Words, le Dr Nakamura répond avec humour que cela fait plus de 20 ans qu’elle y travaille, considérant que cela regroupe les recherches de toute une vie !
« Notre musée est connu pour son art des Premières nations, mais peu de personnes savent que nous avons aussi une superbe collection d’art asiatique. Cette exposition sera également l’occasion de mettre cet aspect du musée en valeur. » Et pour cause, la collection d’art asiatique représente environ 40 % des œuvres du musée d’anthropologie de l’université UBC, faisant de celle-ci l’une des plus belles du Canada. Elle renferme plus de 42 000 objets ethnographiques et 535 000 pièces d’archéologie. Dans ce même objectif, le Dr Nakamura a déjà organisé une première exposition d’art taiwanais appelée Invisible entre novembre 2015 et avril 2016 depuis qu’elle est entrée en poste au MOA en avril 2014.
Des artistes différents
et pourtant liés
Tout oppose les six artistes qui seront rassemblés pour cette exposition d’envergure qui s’étendra sur six mois : ils ne travaillent pas avec les mêmes médiums, appartiennent à des cultures différentes, représentent à eux tous au moins trois générations (l’année de naissance de l’artiste le plus âgé est 1959 contre 1988 pour la plus jeune). Quel est donc le fil conducteur ? « Celui des formes d’expression écrites », répond le Dr Nakamura avec évidence.
En tant qu’anthropologue, le Dr Nakamura explique être plus intéressée par l’aspect « humain » que par la technique à proprement parler. Aussi, elle connaît personnellement, pour avoir travaillé avec eux, les six artistes invités lors de l’exposition Traces of Words.
Ces talents pluridisciplinaires seront donc Phaptawan Suwannakudt de Thaïlande, l’artiste graffiti Shamsia Hassani de l’Iran, Nortse du Tibet, les calligraphes Kimura Tsubasa et Yugami Hisao du Japon, et le groupe interdisciplinaire japonais teamLab.
Les écrits, à la fois éphémères et éternels…
« Certains textes seront traduits, mais pas tous, car le but de l’exposition n’est pas de faire de la lecture, mais plutôt d’admirer les traits et les motifs », explique le Dr Nakamura. L’accent est bien mis sur l’écriture qui devient un objet d’art à part entière, comme avec la calligraphie. « Regarder et ressentir ces travaux, c’est comme écouter une chanson dans une langue étrangère que nous ne comprenons pas. On peut toujours apprécier cette chanson précisément parce qu’elle représente plus que la signification de ses paroles ».
Un autre volet se détache également dans cette exposition : celui qui interroge la place des mots et de l’écriture au sein de l’ère digitale. Cet aspect sera investigué entre autres par le sixième invité :
teamLab, le groupe interdisciplinaire « ultra-technologiste » venu de Tokyo, qui travaille notamment avec des installations vidéo.
À noter que, le soir de l’ouverture, la calligraphe Kimura Tsubasa fera une démonstration en direct avec de la musique traditionnelle en accompagnement. Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin et entrer dans la pratique de cet art millénaire, il y aura des ateliers organisés ultérieurement pour apprendre la calligraphie (fin mai, fin août, fin septembre).
« Vancouver a une grande population asiatique, mais l’art et la culture asiatiques ne sont pas toujours bien compris, ce serait bien que cette exposition puisse permettre aux gens de mieux les comprendre », de conclure le Dr Nakamura.
Traces of Words :
Art and Calligraphy from Asia
Du 11 mai au 9 octobre
Au MOA (University of British Columbia, 6393 NW Marine Drive)
Ouverture le 11 mai à 19h