Qu’est-ce que l’âgisme ? Ce concept, semblant être attitré à une catégorie d’âge bien précise, sera discuté lors d’un prochain Philosophers’ Café de SFU, tenu en partenariat avec la Bibliothèque publique de Vancouver. S’intéressant notamment à l’apprentissage des personnes âgées comme moyen de lutte contre les effets délétères du vieillissement, le professeur de la faculté d’éducation, David Kaufman, interviendra en tant que modérateur lors de cet entretien.
David Kaufman explique que « pour bien comprendre le concept, nous devons nous rendre compte que l’âgisme fonctionne à trois niveaux : individuel, social et institutionnel. À chaque niveau, l’âgisme a trois types de composantes : des idées stéréotypées, des attitudes préjudiciables et des comportements discriminatoires ». Élever la voix exagérément en s’adressant à une personne âgée forcément sourde, ou voter une loi interdisant aux plus de soixante et onze ans de cotiser au régime des retraites, en sont des exemples. L’âgisme est insidieux et communément admis, le reconnaître en tant que discrimination consiste à ne plus trouver normaux ces comportements.
Conséquences de l’âgisme
Les conséquences de l’âgisme sont d’abord perceptibles pour les personnes âgées elles-mêmes qui voient les politiques publiques réduire les aides sociales ou sanitaires dévolues au troisième âge. « Nous en avons vu les effets sur l’éducation, quand les subventions pour les programmes seniors ont été retirées. Le message est que les aînés doivent payer pour leur propre éducation. Désormais, il n’y a plus de fonds public, ni fédéral ni provincial, pour l’enseignement des adultes les plus âgés », constate David Kaufman.
Selon lui, la discrimination des seniors a un coût économique, social et culturel. « En plus d’une perte de productivité, la société se prive de ressources en ignorant l’expérience, la sagesse, l’aide que peuvent apporter les aînés dans notre pays. Des sociétés plus traditionnelles continuent d’utiliser ces ressources, et bien des problèmes sociaux de nos sociétés industrialisées peuvent être imputables à la négligence de ce que peuvent apporter les personnes âgées ». Est-ce à dire que l’âgisme est plus prégnant au Canada que dans d’autres sociétés ? On peut avoir l’impression que, dans certaines cultures, le lien entre les générations est plus serré, que les aînés sont plus respectés. Mais, selon David Kaufman, les stéréotypes sont les mêmes partout. En Asie par exemple, « les différentes générations cohabitent principalement pour des raisons économiques, et si on aime les anciens et qu’on prend soin d’eux, on ne les respecte pas plus qu’ailleurs ».
« La vieillesse est une construction sociale »
« Les croyances que nous entretenons à propos de la vieillesse ont un impact puissant sur les personnes âgées et sur les vies que nous vivons. Ainsi, la vieillesse est une construction sociale », explique David Kaufman. Tout comme les représentations du féminin dans notre société influent sur ce que c’est que d’être une femme et agissent comme des dictats, les stéréotypes que nous véhiculons sur la vieillesse, de manière explicite ou inconsciente, influent sur ce que c’est que d’être une personne âgée. Les seniors peuvent se cantonner à des rôles, s’interdire d’apprendre de nouvelles choses, d’utiliser l’informatique par exemple, en raison de leur âge. Les personnes âgées en manque de repères dans une période de fragilité, au moment du passage à la retraite notamment, peuvent coller aux représentations qu’ils ont de la vieillesse, aux stéréotypes qu’ils ont appris tout au long de leur vie. On ne naît pas vieux, on le devient, pourrait-on dire en paraphrasant Simone de Beauvoir. Les stéréotypes s’entretiennent donc d’eux-mêmes.
Lutter contre les stéréotypes, lutter contre l’âgisme, c’est aussi lutter contre les problèmes liés à l’âge. David Kaufman considère que « l’âgisme affecte l’espérance de vie ; une étude montre que sur 660 personnes âgées de 50 ans et plus, ceux qui avaient une perception positive de la vieillesse vivaient en moyenne 7,5 ans de plus que ceux qui en avaient une vision négative ». De plus, on sait que l’inactivité, l’isolement, sont des facteurs de risque. Maintenir les personnes âgées dans le tissu social, leur permettre de continuer à apprendre, à évoluer, leur donner matière à réfléchir sont des moyens de lutter contre l’âgisme et ses conséquences. Tout comme de participer à un philosophers’café.
Philosophers’ Café
« Qu’est-ce que l’âgisme ? Comment se manifeste-t-il dans notre société ? Comment l’éliminer ? »
19 juin de 19 h à 20 h 30
Public Library de Vancouver
Mount Pleasant Branch
L’âgisme, une définition
C’est en 1969 que Robert Butler, gérontologue et gérontopsychiatre américain, énonce pour la première fois le terme âgisme. Il crée le néologisme sur le modèle des mots racisme et sexisme pour caractériser un processus par lequel des personnes sont stéréotypées et discriminées en raison de leur âge. Les jeunes peuvent être la cible d’âgisme, mais la réalité tend à montrer que les personnes âgées le sont davantage.
En 1975, Robert Butler précise que « l’âgisme envers les personnes âgées concerne une vision biaisée du vieillissement où un ensemble de préjugés négatifs stéréotypés sont attribués sans distinction à toute personne âgée ». Ainsi, elles seraient toutes isolées, dépendantes, asexuées, rigides, réactionnaires, diminuées intellectuellement et physiquement, sans raison de vivre. Elles sont considérées comme un fardeau économique pour la société, l’augmentation du coût de la santé leur étant également imputable.