Le temps presse. Je dois finir cet article avant l’heure de tombée. Ainsi va la vie dans le monde de la presse. Nous sommes pressés. Les heures, je dois le préciser, deviennent précieuses. Les minutes comptent et les secondes, mal secondées, perdent leur temps à essayer de rattraper le temps perdu.
Je consulte ma montre. Elle n’indique rien. Les aiguilles ont disparu. Je ne peux plus remettre les pendules à l’heure. Un cauchemar surréaliste à la Salvador Dalí hante mes jours et mes nuits. Il n’est pourtant pas minuit docteur Schweitzer si j’en crois les aiguilles de l’horloge du jugement dernier que Donald Trump, en prenant le pouvoir aux U.S.A., a fait avancer. L’heure est grave.
L’heure est à l’inquiétude. À quelle manigance, à quelle supercherie, la première ministre sortante, qui tarde à prendre la sortie en Colombie-Britannique, va-t-elle faire appel ? Je compte les heures jusqu’à son départ. Les trains partent généralement à l’heure. Pas elle. Madame serait-elle retardée ? Ne comprend-elle pas que son séjour a trop duré, que son temps est périmé ? Faut-il faire appel à la compagnie Buster pour la faire remorquer ? Le chef de gare, en fait l’électorat, conscient de l’heure qu’il est, lui a pourtant bien fait signe de quitter le quai. Pendant six ans elle nous aura enquiquinés. De quel droit pense-t-elle qu’elle possède carte blanche pour continuer ses pitreries ? Que fait-elle de la volonté du peuple, ce dernier fatigué par l’obsession qu’a madame à vouloir se maintenir au pouvoir coûte que coûte ? Son opportunisme a atteint son paroxysme lors de son récent discours du trône. Sans la moindre gêne, de droite elle a viré à gauche. Madame la lieutenant-gouverneur, par pitié, virez-la.
Et pendant ce temps son successeur attend nerveusement qu’arrive son heure. On peut le comprendre; lui et son équipe, coalisés de toutes pièces, n’ont pas de temps à perdre. L’heure est au changement. Il suffit d’ajuster nos montres une bonne fois pour toute.
Une autre heure de grande importance approche : celle de la célébration en grande pompe (sans funèbre) du cent cinquantenaire de notre fédération canadienne. L’heure est donc à la fête. « Que faut-il fêter ? » s’informe un certain cynique qui, de toute évidence, n’apprécie pas les larges dépenses encourues par le gouvernement fédéral pour célébrer l’occasion. Doit-on expliquer à ce rabat-joie que le patriotisme canadien a grand besoin d’être stimulé ? Nous sommes un jeune pays, cent cinquante ans tout juste, souvent ignoré, moqué, bafoué et ridiculisé. Les administrations américaines, l’actuelle en particulier, nous ont longtemps pris, et nous prennent encore, pour leur paillasson. L’heure de vérité approche. Nous sommes en mesure de réclamer un peu plus de respect de la part de nos voisins et de nos alliés en général. Ils risquent sinon de passer un mauvais quart d’heure en notre compagnie lors de la prochaine rencontre au sommeil latent.
Ça suffit, qu’on se le dise : fini de nous piétiner, fini de nous marcher sur les pieds, fini de nous passer par dessus et de nous prendre pour des andouilles ou des cornichons. L’heure de la révolte a sonné. « Arrêtons de nous faire manger la laine sur le dos », ne cessait de répéter mon oncle, un berger allemand, à l’haleine fétide.
À me lire vous devez estimer qu’au fond l’investissement du fédéral porte ses fruits et, qu’après tout, la dépense en valait la chandelle. À cette heure-ci, je l’admets, plus Canadien que moi, tu meurs.
Cent cinquante ans, au fond, à bien y penser, pour une nation c’est l’enfance de l’âge. Nous sommes au début de l’adolescence. Il nous reste beaucoup de chemin à faire. Notre heure viendra. Peu d’eau encore a coulé sous le pont de la Confédération. Alors, qu’on le veuille ou non, au diable les varices, l’heure est aux réjouissances. Fêtons pendant qu’il est temps. Fêtons nos heures passées ensemble, fêtons nos différences, fêtons notre ouverture sur le monde, fêtons notre adhésion à l’accord de Paris, fêtons la libération de la Marie-Jeanne. Fêtons, oui, fêtons ce 1er juillet. C’est ça, fêtons jusqu’à la lie, comme dit mon ami Ali et son copain Lalou. Fêtons pour
de bon.
Très bien, mais ensuite que fait-on ? L’heure n’est plus à la réflexion. L’heure est à l’action. Pour commencer je suggère que l’on élimine l’heure avancée, surtout celle de l’est, qui me déboussole. Débarrassons-nous aussi des fuseaux et décalages horaires. Il n’y a aucune raison que des gens et des pays aient des heures d’avance sur nous. Même en faisant des heures supplémentaires, impossible de les rattraper. Injuste cette heure juste. Que l’on s’ajuste. « De quoi je me mêle ? » me direz-vous. « On ne t’a pas demandé l’heure ». Vous avez bien raison de me réprimander. Comprenez toutefois que, pour mon plus grand malheur, je me leurre en tentant d’être poète à mes heures.
Trinquons ensemble pour la fête du Canada. À la bonne heure !