Vancouver : le « rêve canadien » inaccessible

La Ville de Vancouver représente-t-elle un eldorado pour les nouveaux arrivants ? Chose certaine, les attraits ne manquent pas. Vancouver demeure une ville de taille moyenne apportant les mêmes distractions que les grandes cités. Ayant le taux de chômage le plus faible au pays (5,4 %), elle offre un magnifique cadre naturel à sa population multiculturelle profitant de jours tranquilles.

Pourtant, malgré tous ces avantages, la majorité des immigrants choisissent de s’établir de plus en plus en banlieue de Vancouver. On assiste alors à une croissance du phénomène de la suburbanisation de l’immigration.

Un phénomène d’ampleur au Canada

La suburbanisation, ou le développement urbain en périphérie des villes métropoles, s’observe en fait dans les villes principales des provinces canadiennes, comme Toronto, Montréal ou Vancouver. La majorité des immigrants ne s’installent plus dans les métropoles, mais plutôt autour de ces dernières.

Vancouver : un eldorado pour les immigrants ? | Photo d’Inspiration Point Studio

Entre 2001 et 2011, par exemple, la proportion d’immigrants résidant en banlieue de Montréal est passée de 27 % à 33 %, et à Toronto, de 40 % à 51 %.

Cependant, le record va à Vancouver, avec un taux de suburbanisation de 66 % en 2001, puis de 72 % en 20111. Ceci signifie que les deux tiers des personnes arrivant dans la région font le choix d’habiter à l’extérieur de la métropole. Ce qui soulève des questions, puisqu’il ne s’agit pas d’un profil d’immigrant en particulier, mais plutôt de personnes faisant partie de catégories socio-professionnelles bien différentes.

Le problème ne viendrait donc pas de l’immigration mais bien de Vancouver.

La fuite vers les terres

Est-ce que Vancouver aurait perdu de sa magie ? Point s’en faut ! Car la réalité sur ce phénomène semble plus complexe. Il semble qu’il s’agisse plutôt d’une contrainte économique de taille, que d’une réelle baisse d’intérêt.

Salim, professeur de français à UBC, a choisi d’habiter à Burnaby après avoir vécu un an à Vancouver : « Parce que les prix étaient plus abordables ! » nous dit-il. « À Burnaby, j’ai les mêmes commodités et le SkyTrain qui m’emmène au centre-ville de Vancouver ». Il nous confie qu’il n’aurait jamais pu espérer trouver à Vancouver un bel appartement comme celui qu’il possède en ce moment.

Et ce phénomène semble s’étendre de plus en plus loin de Vancouver.

Nous sommes allés rencontrer Jeannine, retraitée québécoise, arrivée à Vancouver en 1962, pour finalement s’installer à Maillardville, un an plus tard.

Lorsque nous lui demandons ses raisons de choisir de vivre en banlieue, elle nous explique : « La vie est plus chère à Vancouver et il est plus difficile de trouver une place où demeurer ».

Et le phénomène ne semble pas récent : « Depuis 55 ans, j’ai vu beaucoup de jeunes gens, en âge d’avoir une famille, quitter Maillardville pour s’établir plus loin à Port Moody, Maple Ridge (…) Je ne me souviens pas vraiment de personnes qui se seraient au contraire rapprochées de Vancouver avec le temps ».

Vancouver, ville de rêve ou ville rêvée ?

Vancouver semble aujourd’hui plus incarner un rêve qu’une réalité pour beaucoup d’immigrants venus s’installer en Colombie-Britannique.

« Les gens immigrent pour trouver un emploi et s’intégrer correctement à la vie locale », nous rappelle Salim. Or, l’intégration sociale dépend beaucoup des moyens économiques.

D’après une enquête officielle2, la majorité des immigrants dits « récents3 » , ont entre 25 et 30 ans lorsqu’ils viennent s’établir au Canada. Ceci signifie beaucoup de jeunes couples et de jeunes familles souhaitant investir dans la pierre plutôt que de louer pour toujours à des prix déjà élevés.

« Ce qui risque d’arriver, c’est que Vancouver devienne une ville de riches retraités », pronostique Salim, avec un peu d’ironie dans la voix.

Et les nouveaux arrivants ? À défaut de pouvoir investir à Vancouver, ils prendront la décision de s’éloigner, de quitter la province, ou de repartir dans leur pays d’origine.

On pourrait alors imaginer Vancouver dans plusieurs années, comme une ville relais, où les personnes immigrantes viendraient rêver un temps, jusqu’à ce que la réalité les rattrape et qu’ils aillent poursuivre
ailleurs le rêve canadien.

1. Statistiques Canada (août 2017). Étude : Centre et périphéries : les schémas d’établissement et l’intégration sociale de la population issue de l’immigration dans les régions métropolitaines de Toronto, Montréal et Vancouver. www.statcan.gc.ca/dailyquotidien/170508/dq170508a-fra.htm

2. Statistics Canada (2011). Nationnal Household Survey. www.vancouverimmigrationpartnership.ca/knowledge-researchvancouver-immigrant-profile

3. Non citoyens canadien, ayant immigré entre 2006 et 2011