A la suite du décès le 10 juillet dernier de Marie Bourgeois, une figure marquante de notre francophonie britanno-colombienne, le journal La Source, pour lui rendre hommage, dans sa première édition de la rentrée, republie à titre posthume le « Verbatim » que Mme Bourgeois avait eu la gentillesse d’envoyer à notre rédaction. Ce texte a été publié pour la première fois dans notre édition du 6 décembre 2000. Bonne lecture.
Quand on m’a offert ces quelques lignes pour parler de ce qui se passait à Vancouver, j’ai accepté avec plaisir. Qui dirait non à une telle invitation ? J’ai songé à plusieurs aspects de cette ville ainsi qu’aux différentes approches que je pourrais prendre. Quand on pense à Vancouver, on pense immédiatement aux montagnes, à la mer, aux plages, à la pluie, aux différentes cultures qu’on y retrouve, et ainsi de suite. Mais pourquoi présenter cette métropole de l’Ouest à ceux et celles qui la connaissent déjà ? Et quelle approche prendre pour éviter l’ennui du lecteur ?
Quand je me suis mise à penser plus spécifiquement à ce qui me venait en tête quand je pensais Vancouver, j’ai constaté que je devais présenter mon Vancouver. Mon Vancouver, vous voyez, il est francophone. Je suis probablement une des rares habitantes de cette région qui vit presque complètement en français. Mon travail, mon bénévolat, mes craintes, mes espoirs, enfin tout ce qui colore la vie humaine se passe en français chez moi.
C’est en 1974 que j’ai quitté Montréal, ma ville natale, pour venir m’installer à Vancouver. La raison pour ce grand déménagement était simple – l’amour. « Qui prend mari, prend pays », dit le dicton. J’avais longtemps pensé que j’aimerais bien faire l’expérience de la vie ailleurs au Canada mais mon choix ne s’était pas encore fixé. Je pensais peut-être Toronto, peut-être Vancouver ou encore Calgary. Je ne pensais certainement pas que je deviendrais un jour une franco-colombienne d’adoption, et militante de la francophonie hors Québec.
Je me suis rapidement adaptée à la vie sur la côte Ouest. En arrivant, je me suis mise à la recherche de travail. Il m’était essentiel de trouver quelque chose où je pourrais parler français. C’était ironique puisque je travaillais en anglais au moment où j’ai quitté le Québec.
À l’intérieur de quelques semaines, j’avais trouvé trois postes à temps partiel dont deux dans le département de français du collège Capilano à Vancouver Nord. Quel plaisir j’ai pris à partager avec mes étudiants mes expériences au Québec et les histoires de ma très grande famille, acadienne du côté de mon père et irlandaise du côté de ma mère. J’étais très heureuse dans cette province et nullement préoccupée par le peu de français qu’on pouvait y lire et entendre.
C’est en 1979, à la naissance de mon premier fils, que j’ai commencé à songer à participer à la vie communautaire francophone. Quoique j’étais certaine que je ne deviendrais pas victime de cet assaut sournois qu’est l’assimilation, je savais qu’un jour mon fils évoluerait dans un monde plus grand que celui de la cuisine familiale et que les occasions pour lui de s’exprimer en français seraient peu nombreuses. Comme l’ont fait plusieurs d’entre nous, j’ai feuilleté les pages du bottin téléphonique, sous la rubrique « association ». C’est à cet endroit que j’ai trouvé la Fédération des franco-colombiens et le Centre culturel franco-colombien, comme on les appelait à l’époque. Quelques coups de téléphone et j’avais une meilleure idée des options à considérer. Une collègue m’a également invitée à participer à une réunion de femmes francophones qui songeaient à se regrouper en association ou réseau. Lors de la première rencontre à laquelle j’ai participé, j’ai rencontré des femmes extraordinaires et je suis heureuse de confirmer que j’ai encore des liens d’amitié avec elles aujourd’hui. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé mon engagement envers le développement de la communauté francophone de cette province. Les liens établis lors des rencontres avec ces femmes francophones m’ont éventuellement menée à faire partie de plusieurs conseils d’administration, dont ceux du Théâtre la Seizième, la Fédération des parents francophones, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, la Société Maison de la francophonie et la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada.
Aujourd’hui, comme directrice générale de la Société Maison de la francophonie et conseillère au sein du Conseil scolaire francophone, je peux témoigner de la vitalité des organismes francophones et de l’engagement de leurs bénévoles et dirigeants envers notre mieux-être collectif. Qu’on soit à la recherche d’une école, d’une pièce de théâtre, d’une discussion philosophique, d’une activité sportive, d’un bon repas, ou encore d’autres plaisirs ou besoins de la vie moderne, la Maison de la francophonie et les organismes qui l’habitent ou la côtoient peuvent nous répondre, et nous répondre en français.
Je vous invite donc à partager mon Vancouver et à le faire vôtre.
PS : Ce « Verbatim » a été rédigé par Marie Bourgeois et publié pour la première fois dans l’édition du journal La Source du 6 décembre 2000.