Le 21e siècle sera marqué par des taux d’urbanisation inégaléset devra relever le défi d’accueillir toujours plus de monde tout en rendant l’habitat urbain agréable à vivre. Entre intégration de la nature, mixité sociale, et diversité urbaine, Vancouver fait figure de bon élève sur la scène internationale. Pour ses urbanistes, la diversité constitue à la fois un apport et un objectif dans leur planification urbaine.
L’avenir est à la ville. En 2008, pour la première fois de l’histoire de l’humanité, on comptait plus d’urbains que de ruraux. Et la tendance n’est pas près de s’arrêter : d’après l’Organisation des Nations unies (ONU), les deux tiers de la population mondiale devraient vivre en ville d’ici 2050.
Les défis de l’urbanisation
La pression démographique et le rayonnement des grandes métropoles rendent la tâche des planificateurs urbains ardue. Densité, pollution, croissance, accessibilité, sont autant de défis à relever pour l’urbaniste
moderne. À Vancouver, par exemple, si le nord compte 54 personnes par hectare, les quartiers situés autour de Coal Harbour, eux, enregistrent plus de 350 habitants sur la même surface !
Pour Anita Molaro, assistante de direction en aménagement urbain à la Ville de Vancouver, il s’agit pour notre époque de « relever le défi de la relation entre l’urbain et l’environnement ». Brent Toderian, ancien urbaniste à la Ville devenu conseiller pour de nombreuses municipalités, telles que Brisbane, Auckland, Buenos Aires, Helsinki, ou encore Ottawa, souligne de son côté « l’accessibilité économique et la maîtrise de la densité » comme épreuves de notre siècle.
À quoi ressemblera la ville de demain ?
Vancouver fait figure de bon élève en matière de planification urbaine, notamment grâce à une prise de conscience précoce. Brent Toderian rappelle ainsi qu’en 1997 une stratégie de transport avant-gardiste avait été établie par la ville : « C’était la première fois qu’une métropole nord-américaine intégrait dans sa vision non pas un équilibre mais une priorisation dans les modes de transport avec la marche à pied d’abord, le vélo et les transports en commun ensuite, et en dernier lieu la voiture ».
Grâce à cette politique, Vancouver serait ainsi la seule ville d’Amérique du Nord à avoir réduit ses temps de trajet entre le centre-ville et la périphérie. Depuis, la démarche a fait des émules avec « des villes comme Calgary, Edmonton, ou Santiago au Chili qui ont intégré une vision similaire dans leur stratégie », informe le consultant.
La pression démographique force les urbanistes à adopter de meilleurs standards, à favoriser une expérience commune positive, et à prévoir intelligemment services et espaces verts. « Il faut assurer un lien avec la nature, avec la beauté, mais aussi garantir les installations de base comme des garderies, des écoles, des centres communautaires et des bâtiments historiques », commente Brent Toderian.
Selon plusieurs études, les zones à forte densité qui sont bien aménagées ont un impact positif sur la croissance d’une ville, sur l’engagement communautaire, sur la réduction de son empreinte écologique, et même sur la santé de ses habitants. Brent Toderian en a fait le constat à travers sa carrière d’urbaniste : « Une bonne architecture et un bon design urbain facilitent la qualité de vie, l’habitabilité, l’attachement, les liens sociaux, la santé mentale et physique, et le bonheur ! ».
L’écodensité comme modèle
Le quartier du Village Olympique constitue pour Brent Toderian un bel exemple de ce qu’il nomme un ‘centre de pouvoir vertical’ : « Ce quartier montre que nous pouvons intégrer des grandes surfaces commerciales dans un environnement urbain et résidentiel, tout en conservant une rue active et dynamique ».
En 2013, l’Urban Land Institute publiait un rapport prenant pour modèle Singapour, une ville-État qui a réussi le mariage difficile entre forte densité et qualité de vie. À travers ce genre d’exemples, l’institut donne des pistes et informe sur les meilleures pratiques pour « créer des communautés épanouies à travers la planète ». Wendy Waters, membre du comité de gestion de la branche britanno-colombienne de l’organisme, en retient une en particulier : « Il est important d’avoir accès à un parc à dix minutes de marche de chez soi ».
Il faut dire que l’incorporation de la nature dans l’espace urbain est un enjeu majeur de la ville du 21e siècle : « Les toits verts font partie de la certification LEED et sont devenus très communs dans les nouvelles constructions », indique à ce sujet l’architecte.
Anita Molaro ajoute que « incorporer des éléments verts, tels que de l’aménagement paysager ou des jardinières, fait partie de l’esthétique que les architectes et les promoteurs immobiliers recherchent de plus en plus ».
Le West End, pour la responsable, est un bon exemple de quartier alliant grande densité et nature : « Dans le West End, l’espace public et la nature font partie d’un tout cohérent ». Voilà le concept d’écodensité que la Ville met en œuvre depuis des années : une densification maîtrisée, verte et durable.
La mixité urbaine
Vancouver a interdit la construction de grandes tours dans les quartiers en pourtour du centre-ville. Ce choix a permis à la ville de créer des communautés diverses, mêlant « différents environnements, topologies, types de construction, habitations, commerces… », observe Anita Molaro.
Le quartier du Village Olympique, par exemple, intègre près de 30% de logements sociaux, d’après l’urbaniste Brent Toderian. Pour le consultant, « la diversité, l’équité, et l’inclusion sont des éléments-clés de la réussite des belles villes ».
L’expert précise que l’inclusion se conçoit à deux niveaux : dans la conception elle-même, grâce à « la diversité des personnes impliquées dans les projets », et ce qui résulte de cette conception, à savoir « une communauté qui encourage elle-même la diversité et les interactions sociales ».
Ainsi l’inclusion est un choix pour Brent Toderian. « Vous pouvez trouver des aménagements qui séparent, qui ségrèguent, et d’autres, au contraire, qui intègrent et rassemblent. Plus l’immigration prend de l’ampleur, plus nous devons faire en sorte que nos communautés puissent accueillir avec succès des habitants issus du monde entier ».
Wendy Waters souligne elle aussi le rôle fondamental de la diversité dans l’aménagement urbain : « La création de villes et de communautés saines et durables ne peut se faire sans inclure tout le monde », exprime-t-elle. « À l’institut ULI BC, nous tenons compte des différents héritages et groupes qui ont aidé à bâtir Vancouver au fil des ans, notamment les Européens et les Asiatiques ».
Si la diversité urbaine est autant un apport qu’un aboutissement pour Anita Molaro, elle permet d’enrichir nos villes et nos quartiers, assurant ainsi « leur caractère ».
L’exemple inspirant de Singapour
Singapour est un modèle de gestion de ressources limitées. L’île-État manque de place, doit importer 90% de sa nourriture, et dépend de la Malaisie, pays voisin, pour son eau potable. Depuis plusieurs années, la ville a entrepris de réduire la pollution routière en instaurant une taxe sur les trajets durant les heures de pointe. Un quota restreint même le nombre de nouveaux véhicules qui peuvent être enregistrés. Pour l’eau, deux centrales de dessalement intègrent les technologies les plus modernes afin de fournir un quart de la demande nationale. Deux tiers de la surface de l’île récupèrent même les eaux de pluie, et les gratte-ciel les utilisent pour leurs toilettes.