La presse écrite francophone en situation minoritaire au Canada a récemment connu un moment historique qui demeurera sans aucun doute dans les annales. En effet, l’Association de la presse francophone (APF) a récemment dévoilé sa toute première Charte de la presse écrite de langue française en situation minoritaire au Canada. Une charte qui vise à « assurer l’indépendance des salles de rédaction des journaux membres de l’APF et, par le fait même, leur crédibilité en tant qu’organes de presse à part entière ».
Trop d’ingérence dans les médias, incompréhension des rôles et responsabilités de la presse écrite, encadrement nécessaire des journaux membres ? Une charte semblait donc s’imposer pour garantir l’indépendance et l’impartialité des membres de l’APF.
Incompréhension et fausse interprétation
« C’est à la suite d’incidents survenus dans certains journaux au cours de la dernière année que nous avons constaté quelques incompréhensions quant à leurs rôles et responsabilités, de même qu’une fausse interprétation du rôle d’un journal par les organismes communautaires », avance monsieur Francis Sonier, président du conseil d’administration de l’APF, pour expliquer la source de l’élaboration de cette Charte, lors d’un Facebook en direct le 1er novembre dernier.
Il semble que, dans certains cas, des organismes faisaient pression auprès des salles de rédaction ou encore des journalistes pour que leurs messages soient diffusés. Les journaux pouvaient en conséquence être perçus comme étant des porte-parole des organismes.
Document interne de l’APF et critère d’adhésion pour devenir membre, cette nouvelle Charte vise « à sensibiliser, voire éduquer les populations francophones et acadienne quant au rôle important que les journaux membres de l’association doivent jouer au sein de leurs communautés respectives ». « C’est un cadre de responsabilisation pour les journaux membres, un complément d’information à la politique éditoriale de chaque journal membre », renchérit le président, tout en soulignant que la Charte présente des valeurs et principes plus généraux.
Engagement des journaux membres
« La Charte a été acceptée et validée par l’ensemble des journaux membres de l’APF », confirme monsieur Sonier. De ce fait, ces derniers s’engagent à respecter, dans l’exercice de leurs fonctions, les cinq valeurs fondamentales établies par l’APF : indépendance, impartialité, intégrité, rigueur et équité.
Par cette Charte, l’APF rappelle aux membres leur devoir d’offrir un espace public pour les populations francophones et acadienne, de protéger la démocratie et d’assurer la libre circulation d’information. À ces trois responsabilités s’ajoutent la nécessité de protéger la liberté de presse et le droit à l’information de même que de servir l’intérêt public.
Une charte qui fait l’unanimité ?
En plus des journaux membres, des experts multidisciplinaires voient d’un bon œil l’arrivée de cette Charte. La démarche d’élaboration de la Charte a débuté en août 2016 lorsque les membres du conseil d’administration de l’APF ont procédé à l’évaluation de différentes situations internes et externes. En février dernier, l’Association annonçait la venue d’une charte de la presse francophone en situation minoritaire. C’est deux mois plus tard que la rédaction de cette Charte débutait. En juin, lors de l’assemblée générale annuelle de l’Association, les journaux membres ont été informés de la démarche qu’ils ont approuvée au même moment. En septembre et octobre derniers se sont tenues la consultation et l’adoption de la Charte par les journaux membres. Des consultations externes sur la portée et l’intention de la Charte ont également eu lieu auprès de douze experts universitaires canadiens. Ces derniers ont été invités à participer à la consultation en raison de leur expertise et expérience en journalisme, droit, éthique, sociologie et sur la francophonie et les minorités linguistiques. Tous ont manifesté leur accord envers cette nouvelle Charte et la nécessité de cette dernière.
« L’APF et ses journaux membres font preuve de maturité en adoptant cette Charte, ses valeurs et ses responsabilités. […] Elle est là pour préciser les balises pour les organismes d’une part, mais aussi pour établir les responsabilités du journal », résume monsieur Sonier. Il ajoute également que l’APF s’engage à établir un guide d’application de la Charte. Ce guide vient en réponse à ceux qui se demandent si la venue d’un conseil de presse est envisagée, demandée et possible. Voyons maintenant comment cette Charte vivra dans le monde de la presse écrite francophone en milieu minoritaire au Canada. Indépendance et impartialité seront-elles conservées ?
Saviez-vous ?
L’Association de la presse francophone (APF), fondée en 1976, est le point d’ancrage des journaux francophones en situation minoritaire publiés au Canada. Il s’agit de l’unique regroupement pancanadien du genre qui souhaite rassembler, appuyer et représenter ses journaux membres afin d’assurer leur vitalité et leur pérennité, contribuant ainsi au développement et au rayonnement des populations francophones et acadiennes du Canada. Ses journaux rejoignent plus d’un million de francophones et de francophiles par année.