Comme chaque année, le Eastside Culture Crawl de Vancouver permet de s’immerger dans le quartier où l’on trouve la plus grande concentration d’artistes de tout le Canada. Sur 4 jours, du 16 au 19 novembre, plus de 80 lieux sont ouverts, donnant la possibilité au public de rencontrer quelque 500 peintres, sculpteurs, designers, artisans… Pour sa 21e édition, le Crawl innove encore. Il est désormais possible de participer à des ateliers ou à des démonstrations. Le public n’est plus seulement spectateur mais devient acteur de la vie culturelle. Il suffit de se jeter à l’eau.
C’est une vaste zone, entre Columbia Street et Victoria Drive, au nord de First Street et jusqu’au Waterfront, que vont arpenter 30 000 visiteurs, une carte à la main leur indiquant les 80 lieux où découvrir les œuvres d’artistes locaux. Cette opération portes-ouvertes de grande ampleur donne l’occasion au public de percevoir l’art non en tant que produit fini, comme le ferait une exposition, mais comme le fruit d’un processus vivant. Le spectateur découvre l’œuvre en même temps qu’il rencontre l’artiste dans son atelier, il observe le travail, une discussion s’instaure. Certains exposent même leurs techniques, les enseignent lors d’ateliers, donnant ainsi à voir en leur art un mouvement créatif.
La Arts Factory, à l’angle d’Industrial Avenue et de Station Street, est un immense studio partagé, mis à la disposition d’artistes par la ville et financé par le gouvernement. Situé à l’orée de la zone couverte par le Crawl, il peut servir de tremplin pour plonger dans la multitude des propositions artistiques.
« Felt à la main with love », l’univers de Chantal Cardinal
A l’entrée de l’atelier, on découvre un espace débordant de laines colorées, de panneaux texturés qui donnent envie de toucher, ce qui est fortement conseillé par la maîtresse des lieux, Chantal Cardinal. Cette diplômée en dessin de mode, originaire de Montréal, qui a travaillé dans le monde du stylisme puis du cinéma, a un jour poussé la porte d’une boutique de Granville Island. On y travaillait le feutre, elle y est restée un an. « C’était un accident, ce n’était pas nécessairement le feutre qui m’attirait, mais quand j’ai découvert la technique et l’histoire qui l’accompagne, le fait que ce soit renouvelable, je me suis dit, c’est intéressant ce processus ». Après de nombreuses recherches et documentations sur le milieu de la laine, Chantal Cardinal a ouvert son atelier. « Cela fait trois ans que je fais des expérimentations pour comprendre le processus de fabrication du feutre. Tu fais des tests, des maquettes, mais le processus, pour moi, c’est de la magie. C’est de la laine, de l’eau, mon énergie et ça crée des trucs »
explique-t-elle.
Depuis ses débuts, sa démarche a évolué. Ayant cherché à utiliser des ressources locales, la laine d’animaux bien traités tant lors de l’élevage que de la tonte, Chantal Cardinal travaille désormais en partenariat avec une ferme d’Abbotsford. Elle connait les moutons par leur nom, sait de qui provient chaque brin de laine qu’elle travaille. « C’est un côté primordial de mon art de savoir d’où ça vient » explique-t-elle en montrant ses carnets de notes, de croquis. C’est tout le côté scientifique du feutre, le calcul de rétrécissage (sic), du grammage de laine par pouces carrés. Je prends des photos du processus, j’écris, j’écris. Le processus, c’est ce qui m’allume » ajoute-t-elle.
Le feutre, un « art d’étapes »
C’est tout ce travail en amont de l’œuvre qui intéresse Chantal Cardinal et qu’elle souhaite partager lors d’un événement comme le Crawl. « Le résultat final c’est beau, mais ça peut évoquer tellement plus d’émotions quand tu vois d’où ça vient et comment ça a été pensé. Ça vaut pour toutes les formes d’art, souvent, on ne voit que le résultat, mais moi, ce qui m’intéresse surtout, c’est comment s’y rendre ». Chantal Cardinal parle effectivement beaucoup plus de Fletcher, un de ses moutons, ou des mouvements qui vont feutrer la laine détrempée d’eau plutôt que de ses œuvres. Des panneaux chatoyants, Chantal Cardinal ne dira pas la chaleur des paysages en feu qu’ils évoquent au spectateur, comme un monde dont les cris lui parviennent adoucis, évidemment feutrés. A vous de les découvrir.
21e Culture Crawl
Du 16 au 19 novembre