Ceux qui voyagent pour le plaisir éviteront sans doute les villes et les régions les plus polluées. Or, sur notre planète malade, les endroits trop sales pour être aimés sont de plus en plus nombreux. Les riches peuvent se protéger de l’eau sale en achetant de l’eau propre. Mais quand l’air est contaminé, c’est plus compliqué. Il faut bien respirer et l’argent ne protège pas les poumons des particules fines. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous dit qu’il faut éviter de dépasser 20 microgrammes de particules fines par mètre cube. Quand Paris a atteint 28, cela a fait la manchette des journaux français. Mais dans bon nombre de pays en développement, 28 mg/m3 serait considéré comme de l’air pur. Ce serait même un rêve inimaginable à Onitsha, au sud-ouest du Nigéria, où le record mondial de la pollution atmosphérique a été atteint avec un incroyable 593 mg/m3 soit 29 fois la limite recommandée par l’OMS.
L’agence onusienne de la santé établit périodiquement un palmarès des 500 villes les plus polluées. 177 sont en Chine et 98 sont en Inde, mais aucune ville chinoise ne figure parmi les 10 villes les plus polluées au monde. Outre deux villes africaines (Onitsha et Gaborone), les « gagnants » de ce triste peloton de tête sont tous sur le continent asiatique. Delhi n’est même pas sur cette liste, car en dépit des images très médiatisées du smog enveloppant la capitale indienne, il y a pire. Oulan-Bator, la capitale de Mongolie, est parmi les 3 villes les plus irrespirables du monde. Les hivers y sont très froids et les habitants chauffent leurs yourtes avec des poêles inefficaces utilisant du charbon de mauvaise qualité. En Asie du Sud, les plus pauvres qui n’ont pas accès au charbon font du feu avec des déchets en plastique et des vieux pneus. Dans les villes indiennes et pakistanaises, il faut également compter avec les vieux véhicules diesel et les petites motos mais aussi les centrales à charbon et les industries échappant à toute réglementation environnementale. Mais les champions de la pollution sont sans doute les Iraniens. Sans la surpopulation indienne et sans les mêmes niveaux de pauvreté, l’Iran possède plusieurs villes figurant au palmarès des 10 régions urbaines les plus polluées du monde. À Kermanshah, l’aéroport est souvent fermé faute de visibilité. À Sanandaj, dans les montagnes du Kurdistan iranien, le smog est quasi permanent. À Ahwaz, ils ont eu l’idée géniale d’assécher les marais et de détourner le cours de la rivière. La région nouvellement désertique est une source de poussière qui se mélange aux autres sources de pollution atmosphérique, permettant à Ahwaz d’atteindre 372 microgrammes de particules fines par mètre cube. L’espérance de vie y est la plus faible du pays. Mais dans l’Iran des Ayatollahs, comme dans l’Amérique de Trump, il ne faut pas que des considérations environnementales entravent le « business ». À Yasouj, qui figure déjà au palmarès des dix villes les plus polluées du monde, une nouvelle raffinerie est en construction.
Il est vrai que ces « cas extrêmes » n’ont jamais espéré devenir des sites touristiques. Mais, parmi les 500 villes les plus polluées du palmarès de l’OMS, figurent des destinations vantées comme étant à même d’attirer les touristes. Le Caire, par exemple, où les pyramides dans le smog peuvent être l’objet de photos intéressantes. Le Qatar (et d’autres pays du Golfe) où la pollution émanant des raffineries se mêle à la poussière des innombrables chantiers de construction et à la chaleur étouffante pour rendre la respiration difficile en dehors des hôtels et centres commerciaux climatisés. Cela me rappelle ma deuxième et dernière visite de Hong-Kong, un territoire que j’avais beaucoup aimé lors d’un premier voyage une vingtaine d’années plus tôt. En une génération, les choses avaient beaucoup changé. Du haut du pic Victoria, on distinguait à peine Kowloon dans un smog qui enveloppait souvent toute la région. Cela m’a coupé l’envie de voir d’autres villes chinoises.