Une pauvre année 2017, sentant venir sa mort prochaine, fit venir à son chevet ses douze petits mois. Une fois tous rassemblés, elle leur parla sans témoin. Avant son trépas elle tenait coûte que coûte à passer en revue les faits saillants qui l’ont agitée depuis le premier jour de l’An.
S’adressant à son aîné, sans ambages, elle lui dit ceci: « Janvier, tu m’as donné bien des soucis. Avec l’investiture à la Maison Blanche d’un nouveau président imbécile, sournois et lunatique tu as tout gâché. En démarrant sur le mauvais pied j’ai senti que j’étais mal parti. J’avais mal partout. J’ai même considéré mettre fin à mes 365 jours. J’aurais dû, à bien y penser. Un mauvais présage. Regarde ce que nous avons vécu: une série sans fin d’attentats et de massacres, les uns plus meurtriers que les autres. Peu de pays ont été épargnés. L’horreur ». Et 2017 de poursuivre « Pense à toutes les atrocités commises quotidiennement au nom de je ne sais quel dieu ou quelle idéologie. Les Rohingyas fuyant la Birmanie (Myanmar) savent de quoi je parle. Les terroristes, ces criminels, de toute évidence, et quelles que soient leurs croyances ou leurs origines, sont loin d’être des gens éclairés. Je ne vois pas de lumière au bout de ce tunnel ».
Accablée, désolée, désenchantée, 2017 éprouvait de la difficulté à contenir sa peine et son insatisfaction: « Tu n’as pas été d’un bon exemple mon cher Janvier. Vois ce que mes autres mois, tes frères, ont vécu. Oui, vous au printemps et vous en été, vous m’avez donné du fil à retordre. Les incendies de forêts se sont multipliés un peu partout. Ils ont été dévastateurs durant votre passage. La Colombie-Britannique, c’est le moins que l’on puisse dire, a vécu de durs moments ».
Après avoir balayé, d’un revers de fin d’année, un semblant de soupir, 2017 repris de plus belle, irritée : « Les ouragans aux charmants prénoms se sont succédé à une allure vertigineuse et meurtrière. Je ne savais plus où donner de la tête. Je cherchais un coupable. Le réchauffement de la planète et les changements climatiques à juste titre m’ont été pointés du doigt. Et pendant ce temps les gouvernements, malgré leurs bonnes intentions et leurs belles déclarations, continuent de se tourner les pouces. Notre Terre est mise à terre; pour le compte ? Qui compte ? Rappelez-vous à 10 on est KO. Nous sommes à neuf. Quoi de neuf ? Qu’attendons-nous ? Pas le messie j’espère ». Sur cette boutade sarcastique, l’année, à bout de souffle, fit la moue, puis garda le silence.
Elle reprit enfin et continua, pensive, sur sa lancée : « Quand la bise fut passée, un autre genre de cyclone vint m’affoler au début de l’automne et, malheureusement, perdure encore. Octobre, Novembre, mes mois tout à moi, peuvent le confirmer, il ne se passe pas une journée sans qu’une vedette du monde du cinéma, de la finance ou de la politique ne soit éclaboussée par des accusations de comportements sexuels ignobles. Nous allons d’un scandale à l’autre. Une véritable hécatombe. Je reste là pantoise, tétanisée. La gent masculine vient de se faire prendre les culottes à terre. Les révélations ne font qu’augmenter le suspense : qui sera le prochain accusé ? Pas fameux ces gens fameux qui s’en prennent aux femmes ».
2017 poussa alors un long soupir et se tourna vers Décembre, son tout dernier mois, son chouchou: « Dédé, puisque c’est à toi qu’incombe la responsabilité de Noël, j’aimerais, avant de m’éteindre définitivement dans tes bras, te demander de remettre au père Noël une lettre que je vais te dicter. Voici :
Cher Père Nono,
Figurez-vous que je suis encore une des rares à croire en vous. Oui, je crois au père Noël. Mes proches se moquent sans cesse de moi. Seuls mes petits-enfants me comprennent. L’un d’eux, observant votre longue barbe blanche et votre âge avancé, m’a candidement demandé pourquoi on vous appelle père Noël et non pas grand-père Noël.
Futé, ce chérubin.
Puisque c’est votre rôle de distribuer des cadeaux, j’aimerais recevoir le plus tôt possible, avant de disparaître à jamais, sachant que ce sera prochainement légal, une plante de cannabis que j’utiliserai à bon escient afin d’oublier tous les soucis par lesquels je suis passée. Vous enverrez la note à 2018. Ne passez pas par la cheminée. Faites comme tout le monde, trouvez ma clef sous le paillasson, entrez et déposez ce qui m’est dû au pied de mon pieu ».
2017 signa sa lettre et se retira le cœur lourd, attendant silencieusement la fin de ses jours prévue pour le soir du réveillon de la Saint-Sylvestre. Pas rancunière, elle en profita pour souhaiter à toutes et à tous une bonne et heureuse année 2018.