Le 14 novembre, la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures, en partenariat avec l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, a lancé un projet intitulé Baldwin et La Fontaine : vers le gouvernement responsable ! Alors que 2017 marque les cent cinquante ans de la Confédération, l’initiative met en valeur l’apport clé de ces deux personnages dans son avènement, et célèbre la dualité linguistique.
Le projet est constitué de quatre courts documentaires réalisés par des étudiants post-secondaires autour des évènements de 1848, de ses deux principaux acteurs, Baldwin et La Fontaine, et de leur contribution à la création du Canada moderne.
Un concours public a été lancé sous la forme d’un questionnaire basé sur le contenu de vidéos, et un guide pédagogique a été élaboré à destination des classes de secondaire.
Pour Guy Matte, directeur de la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures, le but du projet est que « les Canadiens et les Canadiennes s’approprient cette part de l’histoire [qui s’est jouée en 1848] et reconnaissent l’apport de ces deux grands personnages dans la création de ce qui est aujourd’hui le Canada ».
L’amitié d’un francophone et d’un anglophone
La Confédération canadienne née en 1867 est l’aboutissement d’un processus historique dont l’une des étapes les plus cruciales a eu lieu en 1848 avec la création du gouvernement responsable par Robert Baldwin et Louis-Hippolyte La Fontaine.
En 1840, les Britanniques font fusionner le Haut (sud de l’actuel Ontario) et le Bas Canada (Québec aujourd’hui), donnant naissance au Canada-Uni, dans le but de confier le pouvoir aux anglophones et d’assimiler les francophones. À l’époque, la seule langue officielle de la colonie est l’anglais et les ministres ne répondent qu’au gouverneur nommé par la reine.
Deux hommes, l’anglophone Baldwin et le francophone La Fontaine, s’allient contre l’empire colonial. Ils exigent et obtiennent l’abrogation de l’article de l’Acte d’Union proscrivant l’usage du français à la législature. Ils militent également pour la mise en place d’un gouvernement responsable.
Malgré leurs différences de langue et de caractère, entre un La Fontaine tribun et un Baldwin réservé stratégiste, ils poussent leur collaboration au point de faire élire par deux fois dans le fief de l’autre pour déjouer des machinations contre eux.
Leurs efforts paient quand le gouverneur général, Lord Elgin, fait appel à La Fontaine pour former un nouveau gouvernement, le premier à reposer sur le principe de la responsabilité. La Fontaine accepte à condition que son ami et allié, Baldwin, soit premier ministre avec lui.
Des valeurs communes en héritage
« C’était la première fois que la reine [Victoria] et le gouvernement britannique redonnaient à la population [d’une colonie] la responsabilité du gouvernement », commente Guy Matte. Avant 1848, le gouverneur était responsable devant Londres, qui pouvait le démettre. Depuis, le premier ministre a besoin de la confiance de la majorité des députés élus pour rester en poste. C’est le principe du gouvernement responsable, qui est une pierre angulaire de la démocratie canadienne.
La coopération et l’amitié de Baldwin et La Fontaine ont aussi en partie permis l’adoption du français et de l’anglais comme langues officielles du Canada. Ils sont ainsi les pères fondateurs de la dualité linguistique et de la démocratie au Canada.
Bilingue ou unilingue, tous Canadiens
Aujourd’hui, la Loi sur les langues officielles consacre l’idée de dualité linguistique, c’est-à-dire deux langues, l’anglais et le français, qui coexistent sur un territoire où elles sont toutes deux tantôt majoritaires, tantôt minoritaires dans certaines parties du pays.
Pour assurer le respect de la dualité linguistique, le gouvernement fédéral doit proposer ses services dans les deux langues officielles. Toutefois, l’idée de dualité linguistique et de bilinguisme institutionnel ne signifie pas que les citoyens se doivent d’être bilingues.
S’il reconnaît les bénéfices du bilinguisme personnel, Guy Matte estime que « peu importe qu’on possède les deux langues ou non, le ciment qui maintient ce pays ensemble, c’est l’appui à la dualité linguistique ». Pour le directeur de la fondation, l’abandon de la dualité linguistique ne signerait rien de moins que la fin du Canada.
Selon M. Matte, le salut viendrait de la perpétuation de la mémoire de grandes figures du pacte entre francophones et anglophones (outre Baldwin et La Fontaine, Wilfrid Laurier, Louis Riel…) tout en incluant les Premières Nations.
Autant de personnages qui expliquent pourquoi encore aujourd’hui le gouvernement doit servir son peuple dans les deux langues officielles, et que les Canadiens et Canadiennes sont encouragés, mais non contraints, à apprendre l’autre langue officielle. Une certaine idée du vivre ensemble…