L’année écoulée aura été particulièrement agitée pour la démocratie. Entre montée des populismes, ascension des réseaux sociaux, et une presse fragilisée, 2017 a plusieurs fois éprouvé le fondement même de nos sociétés modernes. En parallèle, les douze derniers mois auront été rythmés par les commémorations du 150e, donnant l’occasion de dresser un bilan de la situation linguistique au pays.
De l’élection de Trump, président twitteur, symbole de l’utilisation grandissante des médias sociaux, à la montée des fake news et d’un populisme ambiant, les événements de l’année 2017 auront chahuté la démocratie.
La Source s’était penchée sur la valeur de la parole à l’heure du tout connecté. Quelle place tient la jungle online dans le débat d’idées ? L’apparition du phénomène de « post-vérité », à savoir quand l’émotion prend le pas sur les faits, fait grincer bien des dents, à juste titre semble-t-il.
L’ascension des médias sociaux dans le débat public et politique oblige à repenser la liberté d’expression. Injures, commentaires trollesques et billets pièges à clics sont légion sur la toile. Le buzz avance, les idées reculent. La forme éclipserait-elle le fond sur la plateforme 2.0 ? La ligne séparant liberté d’expression et désinformation semble de plus en plus ténue.
La démocratie en effervescence
Le Canada n’est pas à l’abri du populisme. Si Trump est largement décrié de ce côté de la frontière, les dérives droitières présentent ici aussi un réel danger. Que ce soit dans l’ouest ou dans l’est du pays, les groupuscules extrémistes foisonnent. Le politique opportuniste ne tarderait pas à surgir pour instrumentaliser les ressentiments des déçus de la mondialisation.
Dans ce contexte, la presse constitue un enjeu crucial. La Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, revisitait le caractère vital des médias dans la démocratie. En 2016, Reporters sans frontières plaçait le Canada en 18e position du classement mondial de la liberté de la presse sur 180 pays. Cette position modeste rappelle que la presse libre n’est jamais un acquis et reste fragile.
La situation est d’autant plus inquiétante que les médias traditionnels sont à la dérive. Réduction des revenus, transition numérique difficile, pression des actionnaires… De nombreux défis pèsent sur ces organes censés servir de courroie de transmission de l’information fiable et émancipatrice pour le citoyen.
À Vancouver, on trouve plus de 170 organes de presse différents, dont un grand nombre sont ethniques, indépendants ou alternatifs. Ils informent les communautés, offrent des perspectives singulières, ouvrent des débats. Le Media Democracy Day, le 18 novembre, soulignait leur importance. Plusieurs ateliers laissaient même entrevoir la possibilité d’un nouveau modèle pour la démocratie contemporaine reposant sur les outils modernes et promouvant la diversité dans le paysage médiatique.
Consciente des défis, l’Association de la presse francophone a publié en novembre dernier une charte réaffirmant l’indépendance des médias de langue française en situation minoritaire vis-à-vis des organismes politiques. Les médias de proximité sont essentiels au dynamisme des communautés francophones hors Québec.
Canada 150 : quel bilan linguistique ?
2017 était aussi marquée par le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. L’occasion d’aborder la question de la dualité linguistique et du bilinguisme.
Le Forum local du 28 avril à SFU présentait aux jeunes les débouchés professionnels et personnels qu’offre le bilinguisme. Il s’agissait aussi de mettre en avant la fierté d’être canadien et bilingue, dans la filiation de Baldwin et La Fontaine mis à l’honneur dans un projet de la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures.
Figures emblématiques des événements de 1848, les deux protagonistes sont les pères fondateurs
de la dualité linguistique, l’un maniant la langue de Molière, l’autre celle de Shakespeare. Ils ont milité ensemble pour la mise en place d’un gouvernement responsable, dont notre démocratie est l’héritière. Ils ont aussi fait en sorte que francophones et anglophones puissent être servis dans les deux langues, où qu’ils soient sur le territoire – en tout cas, dans l’idéal.
Par ailleurs, la publication des données démographiques par Statistique Canada suite au recensement de 2016 montre que le bilinguisme a atteint un niveau record: 18% des Canadiens sont capables de converser en français et en anglais. Bien que ce taux ne soit que de 9% en Colombie-Britannique, l’immersion française est largement plébiscitée. Les programmes d’immersion manquent d’ailleurs cruellement de professeurs malgré la hausse du nombre d’apprenants. Sur les 50 000 inscrits, plusieurs dizaines auront trouvé porte close à la rentrée de septembre.
Si le maintien du français dans un environnement majoritairement anglophone est un travail de longue haleine, il faut aussi tenir compte de la redistribution des cartes. Lors de la Journée internationale de la langue maternelle, le 21 février, on relevait que plus de 25% de la population britanno-colombienne n’a ni l’anglais ni le français comme langue maternelle. Le multilinguisme deviendra-t-il la nouvelle norme ?
Enfin, comment ne pas mentionner l’affaire des harcèlements sexuels par laquelle s’est clôturée l’année ? La Journée internationale de la femme, le 8 mars, était revenue sur le long chemin qu’il reste à parcourir dans l’affirmation de l’égalité des sexes, notamment sur le plan professionnel. Quelques mois plus tard, la réalité nous rattrape : le machisme, la misogynie et les violences sexuelles règnent dans bien des secteurs, du politique au cinéma en passant par la rue.
Avant de se persuader que 2018 nous donnera bien du pain sur la planche, tâchons d’engager la nouvelle année du bon pied en nous souhaitant de bonnes fêtes et de bonnes lectures dans La Source !