Toute activité humaine semble avoir son musée quelque part. La pêche, l’agriculture, les mines, les chemins de fer, la marine marchande, la photographie, l’imprimerie, la poterie, le tissage, rien n’est oublié. À part, peut-être, le tourisme.
C’est un des plus grands secteurs économiques du monde, mais je n’ai jamais trouvé de musée consacré à cette activité. S’il en existait un, il serait sans doute en Angleterre car c’est là qu’est née cette idée de voyager pour le plaisir et l’éducation.
Au dix-huitième siècle, les jeunes hommes issus de la noblesse ou de la haute bourgeoisie terminaient leurs études avec un « grand tour » qui leur permettait de découvrir les musées parisiens, l’Italie et la Grèce, sans oublier quelques bordels continentaux, prouvant que le tourisme sexuel ne date pas d’hier. Le mot tourisme désignait ceux qui faisaient ce « grand tour ». Le voyage organisé, au sens moderne du terme, serait né en 1841, en Angleterre, quand un certain Thomas Cook a affrété un train pour quelque 500 militants de la ligue anti-alcoolique allant de Leicester à Loughborough pour prêcher la bonne parole. En 1855, il organisera les premiers circuits touristiques à travers l’Europe. En 1869, première croisière sur le Nil. En 1874, création des chèques de voyage. En fait, c’est dans la dernière moitié du dix-neuvième siècle que le tourisme est devenu une industrie grâce à la généralisation des voyages en train et en bateau à vapeur.
Après la Première Guerre mondiale, le tourisme international a repris dans les années vingt, quand la vieille noblesse européenne a dû apprendre à tolérer les « nouveaux riches » d’Amérique du Nord et d’Argentine qui, sans avoir toujours la culture et les bonnes manières des « vieux pays », obtenaient souvent un meilleur service grâce à leurs portefeuilles bien remplis et une absence d’arrogance appréciée par le personnel des hôtels et restaurants.
Je rêve de cette époque où le tourisme international était empreint d’une certaine élégance. Bien sûr, il était réservé aux riches. Les gens qui, comme moi, ne disposent que d’un revenu moyen, n’auraient pas côtoyé Agatha Christie dans le Orient Express ni voyagé en première classe sur les paquebots de l’époque. Mais on peut rêver.
Et puisqu’il n’existe pas de musée du tourisme élégant, je fais souvent des détours pour visiter ces lieux où l’on peut s’attendre à croiser Hercule Poirot. La gare centrale d’Anvers, par exemple. À Paris, le décor du restaurant du Train Bleu, à la Gare de Lyon, n’a guère changé depuis la Belle Époque et, heureusement, les chapeaux hauts-de-forme et les crinolines ne sont plus de mise. Les amoureux de cette époque révolue apprécieront aussi l’architecture des villas de ces villes du bord de mer, comme Dinard, qui rappellent un temps où les Anglais en mal d’exotisme ne prenaient pas l’avion pour Tahiti ou les Seychelles mais se contentaient de traverser la Manche. Je recommanderais aussi la vieille gare maritime de Cherbourg et son modernisme des années trente. Dans ce grand hall maintenant silencieux, on croise les fantômes des voyageurs fortunés qui s’apprêtaient à embarquer pour New-York et les immigrants en partance pour le nouveau monde qui quittaient l’Europe sans espoir de retour.
Maintenant, grâce à internet, on peut regarder les vieux films de voyage des années trente qui montrent les grandes destinations touristiques européennes ou « l’exotisme colonial » d’Asie et d’Afrique. On imagine des jeunes gens dans les cinémas de Vancouver, Victoria ou Montréal qui rêvaient de voyages sans savoir que la guerre allait bientôt leur donner la « chance » de voir du pays.