Dans les vingt dernières années du vingtième siècle, les experts de tous poils rivalisaient de pessimisme quant à l’avenir de Mexico. La pollution atmosphérique allait rendre la ville irrespirable. Le manque d’eau allait la rendre invivable. La surpopulation allait rendre la circulation impossible et la criminalité allait retransformer cette capitale en métropole ingouvernable.
En fait, après le grand tremblement de terre de 1985, bon nombre de Mexicains qui en avaient les moyens ont déménagé vers d’autres villes de la région, comme Cuernavaca ou Puebla.
Mon premier voyage à Mexico, en 1986, ne m’a pas laissé de très bons souvenirs. Les vieilles photos montraient une ville cernée de hautes montagnes, mais en deux semaines elles ne sont jamais apparues à travers le brouillard. Le centre historique, aux alentours de la cathédrale, était déprimant, avec ses bâtiments vides, lézardés, ses vitres cassées, ses rues pavées pleines de trous, ses magasins abandonnés, ses trottoirs presque déserts et ses murs lépreux couverts de graffiti. Après avoir été dévalisé par trois jeunes hommes armés de couteaux, j’ai quitté la ville avec la ferme intention de ne plus y remettre les pieds.
Une trentaine d’années plus tard, j’y suis tout de même retourné. Première constatation, on peut voir les montagnes qui entourent la ville. En 1992, l’Organisation mondiale de la santé avait déclaré que Mexico était la ville la plus polluée au monde. Les autorités ont réagi. Des usines polluantes ont été fermées. Les vieux autobus diesel ont été remplacés par des véhicules électriques et au gaz naturel. Les voitures doivent passer un contrôle technique bisannuel sévère. Des journées sans voitures ont étés instituées. De nombreux arbres ont été plantés. La ville s’est également dotée d’un système de partage des vélos et de nombreuses pistes cyclables. Maintenant, la pollution atmosphérique à Mexico n’est guère pire qu’à Los Angeles.
Le centre historique a été complètement restauré et ses rues piétonnières sont vivantes et agréables. Les travaux continuent pour préserver les vieux édifices (dont certains datent du 16e siècle) minés par le temps et les tremblements de terre. D’autres quartiers bénéficient de travaux d’entretien et de restauration. C’est le cas de Condesa, célèbre pour ses bâtiments Art déco ou de Zona Rosa connu pour ses bars branchés prisés par la communauté LGBT. À Mexico, comme ailleurs dans le monde occidental, les jeunes délaissent les banlieues centrées sur l’automobile au profit du centre-ville qui se densifie. Des quartiers que l’on disait voués au déclin attirent maintenant les startups et leurs employés créatifs.
La sécurité s’est grandement améliorée également. La capitale est une des rares régions du pays où la guerre entre narcotrafiquants n’a pas eu lieu. Certes, une agglomération de vingt millions d’habitants a son lot de délinquants, surtout que la population est jeune et que les inégalités sociales sont criantes. Mais, en dehors des pickpockets (très actifs dans le métro) les crimes ont surtout lieu dans les quartiers périphériques les plus pauvres. La bourgeoisie mexicaine, qui réside surtout dans les quartiers centraux de la capitale, exige que les grands moyens soient déployés pour sa protection. Résultat, onze mille caméras de surveillance et un nombre incroyable de policiers veillent sur les résidents et les touristes des beaux quartiers.
Mexico ambitionne d’être non seulement la grande métropole de l’Amérique latine mais aussi une des grandes villes phares de la planète. Avec ses cent cinquante musées, sa population jeune, sa communauté artistique créative et son ouverture croissante sur le monde, elle a tout pour devenir la grande métropole des Amériques à l’heure où l’Amérique de Trump fait de moins en moins rêver.