Le premier jour de mon cours de journalisme, non seulement j’étais en retard mais j’étais perdue. Ma classe était située dans un recoin caché, presque impossible à trouver. Malheureusement pour moi, tous les autres avaient réussi à trouver la salle.
En entrant, interrompant mon professeur, tous mes camarades de classe se sont tournés vers moi. Je les ai regardés froidement tout en tentant de trouver un endroit où m’asseoir. Dans une salle comptant environ une vingtaine de personnes, j’étais l’une des trois personnes « de couleur ».
Pour la première fois de ma vie, je me sentais comme une étrangère. Je voulais quitter complètement le programme en dedans des deux premières semaines, non pas parce que quelqu’un m’avait dit quelque chose d’offensant, mais parce que j’avais l’impression de ne pas appartenir. Je n’avais jamais été une minorité dans mon quartier, et maintenant tout à coup dans cette classe, j’étais seule. Le fait d’être dans cette salle me rendait incertaine de qui j’étais. J’avais un aspect différent, je pensais différemment et personne ne pouvait correctement prononcer mon nom. Le manque de compréhension entre la culture collectiviste dans laquelle j’ai grandi et la culture individualiste dans laquelle le reste de mes camarades de classe ont grandi m’a rendue extrêmement mal à l’aise. Je savais que c’était à moi de me conformer.
Grandissant en tant qu’Indo-Canadienne dans le sud-est de Vancouver, j’étais entourée de culture. À l’école, nous célébrions la journée multiculturelle où les élèves s’habillaient en tenue traditionnelle et découvraient les différentes cultures d’où nous venions tous. Parce que la diversité était tout autour de moi quand j’étais enfant, je pensais que tout Vancouver était multiculturel. Cela n’était que logique, n’est-ce pas ? Nous en entendons parler tout le temps, les politiciens et les médias s’extasient sur la mosaïque qu’est Vancouver, mais ce qu’ils ne vous disent pas, c’est que la diversité est limitée au quartier dans lequel vous vivez.
La communauté dans laquelle je vis aujourd’hui est le résultat de générations d’immigrants qui m’ont précédée. Lorsque ma mère est arrivée au Canada en provenance de l’Inde il y a environ 30 ans, Vancouver était une ville très différente; c’est ici qu’elle a appris ce qu’est le racisme. Ma mère, ainsi que ses frères et sœurs, ont été ridiculisés pour avoir porté leurs vêtements traditionnels indiens, la façon dont ils parlaient et la nourriture qu’ils mangeaient. Ils étaient incapables de trouver un emploi et rencontraient régulièrement du racisme. Ils ont dû s’adapter. Leur expérience a été l’une des nombreuses expériences vécues par les immigrants qui ont déménagé dans cette ville pour créer une vie meilleure pour leurs familles. En conséquence, des quartiers comme le mien ont été formés; des petits recoins où des gens de différentes cultures se sont réunis pour vivre afin de pouvoir s’entraider et faire partie d’une communauté qui les comprenait.
Aujourd’hui, mon quartier est occupé par des épiceries indiennes, des boulangeries asiatiques, des restaurants grecs, philippins et thaïlandais, entre autres. Chaque année, la communauté se réunit pour célébrer Vaisakhi – un festival qui marque la moisson dans la culture sikhe. L’événement inclusif comprend un défilé, des spectacles et une abondance de nourriture distribuée gratis. Beaucoup viennent à ce défilé habillés en costumes traditionnels indiens, les gens font la queue pour goûter de ce qui a été cuisiné et la musique indienne se fait entendre sur les haut-parleurs.
Ce n’est que lorsque j’ai commencé l’université que j’ai compris les limites de la diversité. L’université n’était que le début, plus je m’aventurais en dehors de mon quartier, plus je me rendais compte que toute ma vie j’avais vécu dans une bulle. À part quelques secteurs spécifiques, Vancouver manque de diversité culturelle. Nous parlons de la diversité, nous la célébrons, nous en sommes fiers, mais quand je me promène dans certaines parties de cette ville, je ressens la même chose que lors de mon premier jour de classe.
Traduction Barry Brisebois