Peter Gajdics a vécu l’enfer pendant six ans. Victime du zèle médical de son psychiatre, l’auteur originaire de Colombie-Britannique a suivi malgré lui une thérapie de conversion pour devenir hétérosexuel. Publié en mai 2017, son livre The Inheritance of Shame : A Memoir constitue un témoignage poignant de ces années cauchemardesques. Il en lira deux extraits le 29 mars à l’Université Simon Fraser.
C’est à Victoria, au début des années 1990, que la thérapie douloureuse de Peter Gajdics a eu lieu. Après son coming-out, sa famille le rejette et il quitte sa ville natale pour Victoria. Isolé, le jeune homme entre alors en dépression, le poussant à consulter. « Je voulais rencontrer un psychiatre pour parler, pour obtenir de l’aide. Je n’avais aucune intention de changer mon orientation sexuelle à ce moment-là », confie-t-il. Car ce qui s’apparente à une simple consultation médicale va vite se transformer en une véritable thérapie de conversion, violente et de longue durée.
« Le docteur m’a très vite placé sous médication et en quelques mois il m’a convaincu que mon problème résidait dans mon passé de victime d’abus sexuels », relate Peter Gajdics. Pilule après pilule, le Britanno-Colombien s’enfonce un peu plus dans un état léthargique, jusqu’à être interné pendant cinq ans dans un asile privé géré par son psychiatre. « J’ai vécu toutes ces années en complète isolation aux côtés d’autres patients eux aussi en traitement médicamenteux intensif », précise Peter Gajdics.
Un jour, l’asile est fermé et le jeune homme en profite pour disparaître, « ne répondant plus aux appels du docteur ». Lorsqu’il réalise après six ans qu’il a été victime d’une thérapie de conversion intensive, Peter Gajdics est sous le choc. « Ça m’a pris des années pour me rétablir, pour me rendre compte de ce qu’ils m’avaient fait », reprend-il. L’écrivain a d’ailleurs poursuivi en justice le docteur.
Un témoignage poignant
La véritable thérapie pour Peter Gajdics aura été d’écrire ce livre. L’auteur fera part de son expérience dramatique au sein de l’Université Simon Fraser le 29 mars. « Je lirai deux extraits d’une vingtaine de minutes chacun lors de la soirée, précise-t-il. Je veux partager mon histoire avec les gens. Je veux les informer, car c’est aussi un sujet d’actualité ».
The Inheritance of Shame : A Memoir ne traite pas seulement de la question des thérapies de conversion. Il s’agit aussi d’aborder les thèmes de l’homophobie ou des abus sexuels sur mineurs. « C’est quelque chose qui m’a impacté très sévèrement », dévoile l’auteur. Il est aussi question d’identité et d’acceptation de soi, un chemin de croix lorsqu’on passe par de telles épreuves :« Dans les années 1990, la croyance populaire était que les abus sexuels dans votre enfance vous rendaient gay. Ça a engendré beaucoup de confusion chez moi ».
Le titre, The Inheritance of Shame, fait allusion à plusieurs traumatismes. D’abord, un traumatisme familial. « Mes parents ont fui l’Europe après la Deuxième Guerre mondiale. Ma mère vient de Yougoslavie et a été prisonnière dans les camps communistes, et mon père a grandi dans un orphelinat en Hongrie. Le traumatisme s’est transmis, c’est un thème prédominant dans ma famille, entouré de silence. C’est ce même silence qui a fait qu’on a ignoré l’agression que j’ai subie enfant ». Ce second traumatisme des abus sexuels aura laissé une
« trace indélébile, à l’origine d’une grande honte » chez l’auteur.
La dimension religieuse n’est pas non plus en reste. Élevé dans la foi catholique, Peter Gajdics n’a pas pu trouver une oreille attentive auprès de l’Église. « Ce que dit l’Église à propos de l’homosexualité, ce n’est pas la parole de Dieu mais celle des hommes. Les organisations religieuses oppriment », évoque-t-il.
Changer les choses
Dans la dernière partie de son livre, Peter Gajdics offre une analyse de la situation politique actuelle sur les thérapies de conversion. Depuis que la Californie les a bannies en 2012, une dizaine d’états américains ont suivi l’exemple.
L’auteur s’attelle désormais à ce que la Colombie-Britannique fasse de même : « La province n’a pas encore pris position. L’an dernier, j’ai approché le conseil consultatif LGBTQ2+ de Vancouver afin de recommander aux conseillers municipaux de condamner ces pratiques. C’est en progrès », indique l’auteur. Vancouver pourrait ainsi devenir la première ville canadienne à bannir les thérapies de conversion au Canada.
Pour assister à la séance de lecture de The Inheritance of Shame : A Memoir par son auteur Peter Gajdics, s’inscrire à www.sfu.ca/sfu-community/events.html#!view/event/event_id/1188