L’écrivain sino-canadien Xue Yiwei a été marqué par la figure canadienne du Dr Norman Bethune. Lundi 30 avril, il vient à la Vancouver Public Library présenter son roman, Dr Bethune’s Children, récemment traduit en anglais, aux côtés de Christopher Rea, professeur d’histoire et de littérature chinoises à l’université UBC, pour une discussion en anglais et en mandarin.
Comme tout Chinois ayant grandi pendant la Révolution culturelle, Xue Yiwei est de ceux qui connaissent le Dr Bethune. Christopher Rea explique : « Dans les années 50 à 70, le régime communiste chinois érigeait Bethune en modèle d’émulation pour son esprit de don de soi, son intrépidité, sa camaraderie prolétarienne. Cette idéologie soutient que tout Chinois est enfant du Dr Bethune parce que Bethune a aidé à gagner la guerre et a ouvert les portes du monde socialiste dans lequel ils vivent ». Mao avait même rencontré une fois le médecin canadien, et lors de sa mort en Chine en 1939, il lui consacra un éloge funèbre, l’élevant au rang de martyr pour la cause communiste.
Xue Yiwei, entre la Chine et le Canada
Xue Yiwei est né et a grandi en Chine. Il se rappelle : « Mon enfance était plongée dans un discours conditionné par les paroles de Mao. À la mémoire du Dr Bethune, l’éloge funèbre de Mao au chirurgien canadien était une pierre fondatrice de notre éducation. Comme tous les enfants de ma génération, je devais le réciter encore et encore. Et la ‘complète dévotion aux autres sans aucune pensée pour soi-même’, qui était l’essence même de la noblesse du Dr Bethune selon l’évaluation de Mao, est devenue un guide à tous les niveaux de notre vie quotidienne ».
Dans Dr Bethune’s Children, qui vient de paraître en anglais aux éditions Linda Leith, Xue Yiwei raconte « les vies imbriquées de trois enfants de sa génération issus de familles chinoises ordinaires, hantés par le fantôme canadien et qui traversent les années troublées depuis la poignée de main de Nixon et Mao en 1972, jusqu’aux Jeux olympiques de Pékin en 2008 ».
Les relations entre les personnages, vouées à l’échec, sont enveloppées d’absurdités, de tragédies, de folies, inhérentes à l’humanité aussi bien qu’à la révolution de Mao, et qui sont renforcées par l’accélération de la mondialisation. Montréal, la ville partagée par le Dr Bethune et le narrateur, seul survivant des trois « enfants du Dr Bethune », joue un rôle central dans le roman, faisant des ponts entre passé et présent, entre la Chine et le monde. Xue Yiwei vit d’ailleurs à Montréal depuis février 2002. « J’ai choisi cette ville en raison du Dr Bethune. C’était écrit », évoque-t-il.
Un livre subversif
Le roman reçoit un très bon accueil au Canada mais est interdit en Chine. C’est que, selon Xue Yiwei, « la trame narrative traverse les événements tragiques de l’histoire chinoise récente, qui sont des tabous auxquels la littérature ne doit pas s’attaquer ». Les morts de la révolution culturelle et des massacres de Tiananmen sont, pour Xue Yiwei, « les métaphores du destin des enfants du Dr Bethune ». L’auteur ajoute : « La mort présentée comme une conséquence d’une nécessité historique absurde, cela semble ne pas être politiquement correct ».
Très touché par la rencontre avec ses lecteurs de Montréal, New York ou Toronto, et avant de partir en Australie et en Nouvelle Zélande, Xue Yiwei constate le poids que peut avoir un roman. « Je n’avais jamais envisagé que mon livre pouvait apporter de la lumière aux gens. La littérature nous aide à voir le monde, la littérature nous aide à mieux comprendre la vie et l’histoire ».
Xue Yiwei souhaiterait que Les Enfants du Dr Bethune soit disponible en français, mais la très regrettée Sylvie Gentil qui travaillait sur sa traduction depuis 2012 est brutalement décédée, laissant sa version inachevée.
Discussion avec l’auteur Xue Yiwei et Christopher Rea
lundi 30 avril de 18 h 30 à 20 h 30
à la Bibliothèque Publique de Vancouver