Il a beau faire beau par les temps qui courent, je me retrouve toujours, c’est triste à dire, malgré moi, en pleine grisaille. J’ai de bonnes raisons de l’être. Depuis la dernière édition du journal, il y a maintenant trois semaines de cela, l’univers dans lequel nous vivons s’est décoloré à vue d’œil. Le printemps s’est assombri.
Et pour cause : l’humanité dernièrement en a pris un sacré coup. Des évènements déplorables se sont accumulés et enchaînés à un rythme effréné. De quoi vous faire honte et vous pousser à demander, à qui de droit, un remboursement immédiat de votre billet pour la vie pour cause de cruauté injustifiable. Les aberrations, où l’absurdité se niche, complètent le décor.
Comprenez-moi bien, mon intention n’est pas de faire souffler un vent de déprime ou de désespoir sur les bienheureux lecteurs de La Source. Je ne tiens pas non plus à décourager qui que ce soit. Instiguer un sentiment de culpabilité, il va de soi, ne fait pas partie de mes intentions. Bien au contraire, je ne demande pas mieux que le monde touche ou atteigne le nirvana à tout instant. Alors, vous devez vous demander, pourquoi ce castor de malheur tient-il à tout prix à dynamiter nos vies et endommager notre bonheur ? Quel plaisir éprouve-t-il à jouer les oiseaux de malheur ? N’a-t-il rien de mieux à faire que de gâcher nos journées et de polluer nos esprits ?
Eh bien ! Oui, pour tout vous dire, je n’ai rien d’autre à faire. Je suis un rabat-joie certifié de dernière classe. À juste titre pourrais-je en rajouter. Pensez-y un instant : It is a mad, mad, mad, mad world. Pendant que nous sommes là à profiter du soleil et nous faire dorer la pilule sur nos plages, le reste du monde s’entre-déchire et les catastrophes humanitaires s’amplifient. À Gaza, par exemple, les morts, parmi lesquels on peut déplorer d’innocentes victimes, sont politiquement instrumentalisés. La vie humaine ne vaut pas un clou dans cette région. Tirer pour tuer semble être à priori la seule solution qui s’impose. Le carnage pourrait être évité mais pourquoi se donner la peine d’envisager d’autres possibilités quand la solution facile, qui consiste à abattre froidement l’ennemi, crève aux yeux.
Nous nous écartons de plus en plus de la possibilité de mettre fin à ce conflit qui perdure. Le manque de bonne volonté, accompagné d’une mauvaise foi manifeste, repousse tout espoir de règlement, même temporaire. La politique intransigeante et meurtrière de Benjamin Netanyahou ne nous promet pas des jours meilleurs. Le Hamas, qui dirige la Bande de Gaza, pendant ce temps continue de se chercher des martyrs alors que l’administration américaine de son côté n’hésite pas à verser de l’huile sur le feu avec pour effet d’attiser les passions aux conséquences déplorables et imprévisibles. Et l’on voudrait que je sois heureux, chantait Jacques Brel.
Sur ces entrefaites intervient la tuerie dans une école du Texas. Là une fois de plus les Américains, ceux qui sont encore sains de corps et d’esprit, doivent se demander qu’est-ce qu’il va falloir faire et combien de victimes doit-on compter avant que Trump cesse de courber l’échine devant la NRA (National Rifle Association) ? Ce même personnage burlesque envisage de s’entendre avec Kim Jung-un, le leader nord-coréen. Avec ces deux loustics nous nous dirigeons tout droit vers un traité de paix qui ne vaudra pas un pet.
Le ciel est bleu mais je continue à broyer du noir. Dernièrement, il m’en faut peu pour sortir de mes gonds. La goutte qui a fait déborder le vase alors que je buvais un verre à la santé de ceux qui travaillent dur pour gagner leur vie, m’a été instillée par la famille royale britannique. Je ne me fais toujours pas à l’idée d’être un sujet de «sa molestée la gêne d’Angleterre ». J’enrage. Le tout récent mariage de Meghan, modèle Renaud et d’Harry Viste, roi des grandes partouzes, était là pour me rappeler, au cas où en début de démence je l’aurais oublié, qu’il y a des institutions destinées à disparaître et qui malgré tout demeurent contre toute logique. En disant cela je reconnais être à contre-courant. Des millions d’aficionados de la royauté ont suivi avec enthousiasme et émotion les cérémonies entourant cet évènement insipide et archaïque duquel, avec grande difficulté, j’ai pu m’échapper malgré l’insistance tenace et nauséabonde des médias omniprésents qui ont déployé tous leurs efforts pour nous faire croire que cette union d’un membre de la famille royale avait de l’importance. Comme quoi ce n’est pas qu’à Hollywood qu’on se fait du cinéma.
Je n’arrive pas à me sortir de cette grisaille. On nous annonce pourtant du beau temps pour demain. Qu’importe, je sais qu’il fait toujours gris quelque part.