Pour un Européen, l’immigration au Canada, qu’elle soit bien préparée ou non, est une grande aventure. Lorsqu’on est francophone et que l’on choisit d’aller à Vancouver, on se trouve avant tout confronté à un environnement anglophone. On vient apprendre, découvrir, se défier. On cherche autrement dit à sortir de sa zone de confort.
La lecture qui m’accompagne depuis mon départ de France est un récit de voyage des années 50 intitulé L’usage du monde de Nicolas Bouvier. Avec un ami, case départ la Suisse, leur voyage durera près de deux ans et les emmènera des Balkans à l’Afghanistan, en passant par la Turquie ou l’Iran. Partis avec peu d’argent, ils font face à de nombreux imprévus mais conservent intacte leur soif de voyage : « En route, le mieux c’est de se perdre. Lorsqu’on s’égare, les projets font place aux surprises et c’est alors, mais alors seulement, que le voyage commence. »
Dans une moindre mesure, c’est ce sentiment qui m’a animé durant ma première semaine à Vancouver. J’ai décidé de quitter un travail intéressant en France, bien payé, avec des responsabilités et la sécurité de l’emploi pour… une chambre de 12 mètres carrés, quelques heures de travail en restauration et beaucoup de bénévolat. Passer du confort de mon loft au cœur des Alpes à la frugalité d’une chambre isolée à West Point Grey est en soi une aventure. Mais n’est-ce pas aussi ce que je suis venu chercher ?
Passé les premiers jours, on commence logiquement à vouloir s’intégrer et rencontrer du monde. Des rencontres professionnelles (le sacro-saint « réseautage ») mais aussi personnelles. Il y a ceux qui ont été contactés en amont (les amis d’amis, les neveux et nièces de collègues, les collègues des neveux d’amis, etc.) et les rencontres fortuites.
Le miracle de ces rencontres, c’est qu’elles se font, consciemment ou non, entre francophones !
Quelle surprise pour moi de trouver ici une communauté francophone si importante et si vivante ! On s’aide, on se conseille, on s’invite à dîner et … on parle français.
Le plus curieux dans tout cela est que, pour un Français, la notion de « francophonie » reste un concept assez large et vague. Nous sommes parfois informés de la tenue d’un « Sommet de la Francophonie » mais je mets au défi quiconque de me citer les mesures ou décisions qui y auraient été prises. Aussi et avant de venir ici, je n’avais aucune idée de l’existence d’une « communauté francophone », et encore moins du dynamisme de celle-ci à Vancouver !
Je suis prêt à parier que presque tous les PVTistes comme moi vivent la même aventure et font le même bilan après 3 semaines à Vancouver. On vient ici pour expérimenter, découvrir, se mettre en danger. On souhaite sortir de sa zone de confort mais on se retrouve vite dans le lit douillet d’une conversation entre francophones. Drôle de paradoxe !
Nulle volonté de porter un regard critique, et mon arrivée est trop récente pour être en mesure d’analyser finement ce processus (d’intégration). Je découvre simplement et avec intérêt la portée internationale de la francophonie et à quel point cette langue nous rapproche et fait de nous une communauté, même à l’autre bout du monde.
Mon premier mois à Vancouver se termine bientôt. Les prochaines rencontres seront anglophones, francophones ou allophones, qu’importe. Le plus important étant qu’elles soient belles et enrichissantes.
J’apprécie autant ma « nouvelle zone de confort francophone » que mes rencontres et échanges dans un anglais encore hésitant. Je suis encore à ce moment où tout est neuf et beau, simplement pressé d’être surpris et émerveillé par l’inattendu.
« On voyage pour que les choses surviennent et changent ; sans quoi on resterait chez soi. », Nicolas Bouvier, L’usage du monde, 1963, édition Payot.