À la veille de prendre quelques semaines de congé, j’aimerais m’attarder sur un moment historique qui a marqué les célébrations entourant le 151e anniversaire du Canada. Pour la première fois, je parle ici de la version anglaise, l’hymne fut interprété avec un changement dans les paroles qui mérite d’être souligné.
Cela a pris plus de temps que prévu (les députés conservateurs au parlement ayant fait durer le plaisir). M. Mauril Bélanger, ancien député libéral, décédé en août 2017, eut le mérite d’être l’auteur de ce projet de loi privé qui tenait à rendre l’hymne national plus neutre pour accommoder les genres. Ainsi « un vrai amour de la patrie anime tous tes fils » a été remplacé par « un vrai amour de la patrie nous anime tous ». Une version donc plus inclusive, de fait, plus politiquement correcte.
Cela m’a incité à revenir sur les paroles de notre hymne national. J’en ai conclu que d’autres changements méritent l’attention et m’apparaissent nécessaires. À titre d’évidence le Ô de Ô Canada dès le début m’interpelle. J’aurais préféré voir oh, l’interjection marquant l’étonnement comme dans oh ! qu’il est beau notre pays ou encore oh ! qu’il fait bon vivre ici. Puis vient « Car ton bras sait porter l’épée, il sait porter la croix ». J’en fus estomaqué : ce vers sans rime de notre hymne ne rime à rien. Pensez-y. Combien de soldats canadiens au combat portent l’épée ? Et porter la croix ne convient pas à un pays qui prétend respecter la diversité culturelle et religieuse. Au dix-neuvième siècle ça passait encore mais de nos jours ça ne correspond plus à la réalité canadienne. Tant qu’à faire, histoire de moderniser notre hymne, porter un bâton de hockey conviendrait mieux qu’une épée et porter la rondelle, à la place de la croix, serait de bien meilleur aloi.
Mais nous ne sommes pas les seuls à éprouver des difficultés avec l’hymne national. Le championnat mondial de foot que je suis assidûment m’a un peu aidé aussi dans ma démarche. Les hymnes nationaux que l’on interprète avant chaque match m’ont incité à remettre en question ces chants patriotiques vantant les mérites de la nation et que je qualifierais, non sans crainte, pour certains, de barbares et atroces ; la Marseillaise étant un parfait exemple. La ferveur dégagée lors de son interprétation m’effraie. Je comprends donc pourquoi, parfois, des joueurs restent silencieux ou osent à peine murmurer du bout des lèvres des paroles insensées, insipides et vengeresses, guère à leur goût, quitte à se faire critiquer par la suite pour leur attitude passive ou désabusée.
Pourquoi ne pas changer la coutume et avoir un hymne généreux et pacifique pour tout le monde ? Un hymne rassembleur. Par exemple je suggère que l’on abandonne avant chaque compétition internationale les hymnes dont la lecture vous donne la chair de poule ou froid dans le dos ; ces hymnes où il n’est question que de sang et de morts. Rien d’étonnant donc si les fans des divers camps se tapent dessus avant, durant et après les matchs. Je propose, à la place, de trouver un hymne unique pour tout le monde qui inciterait les peuples à la tolérance, à l’ouverture d’esprit et l’acceptation de l’autre. Cela devrait calmer les esprits et les ardeurs belliqueuses. Avec la prochaine légalisation du cannabis, l’accommodement semble raisonnable, et la perspective de matchs moins rugueux, envisageable.
Par ailleurs, à la lecture des paroles de plusieurs hymnes, j’ai constaté, à mon grand regret, la présence constante de Dieu à qui les patriotes demandent protection tout en souhaitant que le Tout-Puissant soit à leur écoute et anéantisse leur ennemi. Comme quoi le monothéisme mène à tout sauf à la charité. Même les Russes y font référence « Terre natale gardée par Dieu » (deuxième strophe). Surprenant, non ? Les bolcheviks ont laissé passer ça ?
Les pays monarchiques, fallait s’y attendre, dévouent leur hymne à leur souverain : « Longue vie à notre illustre Reine. Que Dieu sauve la reine » (Hymne britannique). Navrant mais pas étonnant. Les Japonais imaginent leur empereur et leur empire survivre presque indéfiniment : « Puisse votre règne durer mille ans pour huit-mille générations ». Un appel à la soumission, une invitation à la prosternation.
En revanche les Brésiliens, grand bien leur fasse, préfèrent vanter la beauté de leur pays : « Éternellement couché dans un berceau splendide au bruit de la mer, à la lueur du ciel profond…bien plus que la terre la plus riante, tes beaux champs joyeux ont des fleurs ». Pas étonnant que ces gens-là rivalisent avec les poètes quand ils jouent au foot. Mais, suite à leur défaite, l’espoir de voir des changements apportés aux paroles primitives des hymnes nationaux vient de disparaître avec leur élimination du mondial. Adieu « All you need is love ». Nous sommes condamnés à entonner des hymnes nationaux ayant pour devise et étendard :
cruauté, férocité et brutalité. De quoi frémir.