Lorsque l’on aborde les maladies sexuelles incurables et taboues, le VIH, ou sida, reste la première évoquée. Aujourd’hui, plus de 16 000 femmes au Canada vivent avec le VIH, majoritairement issues d’autres pays. Et la Colombie-Britannique n’est pas en reste : l’Afro-Canadian Positive Network of BC lance un cri d’alerte.
En Colombie-Britannique, le taux de contamination par le VIH chez les femmes est resté stable depuis 10 ans. Depuis 2006, la séropositivité des personnes protégées, telles que les réfugiées, n’est plus une raison de refus de leur dossier d’immigration. En revanche, elle reste une raison suffisante de refus pour les demandeurs économiques : les demandeurs de résidence permanente via le système d’Entrée Express trouveront porte close en raison du surcoût à prévoir sur le système de santé canadien.
Ainsi, selon le dernier rapport du Centre de contrôle des maladies de Colombie-Britannique, 54 personnes séropositives ont immigré dans la province en 2014. Parmi elles, un tiers provenait de pays où le virus du sida est endémique, des pays où les femmes de 15 à 24 ans ont huit fois plus de risques que les hommes de contracter la maladie.
Plus une crise sanitaire d’urgence
Le VIH n’est plus aujourd’hui considéré comme une crise sanitaire d’urgence par Santé Canada. Les choix budgétaires sont donc faits désormais en fonction du nombre de personnes atteintes et du rapport coûts-bénéfices. Car l’on peut désormais vivre des décennies en étant séropositif, avec un traitement adéquat.
En conséquence, l’Afro-Canadian Positive Network of BC (ACPNET BC) ne reçoit plus de fonds depuis 2016 et survit uniquement grâce à l’engagement de ses bénévoles. Pendant des années, la convivialité des repas offerts par l’association a permis de recréer un sentiment familial loin du pays d’origine, de sensibiliser à la prise des traitements et de fournir un repas aux nombreuses personnes dans le besoin. « Mais ces services ne peuvent plus continuer, faute de moyens », déplore la directrice Patience Magagula.
L’épidémie aujourd’hui, c’est plutôt la stigmatisation des femmes vivant avec le VIH. Selon l’étude sur la santé sexuelle et reproductive des femmes vivant avec le VIH au Canada (CHIWOS), les femmes atteintes sont touchées par de plus grandes difficultés économiques, une insécurité alimentaire et un rejet social.
À cela, Patience Magagula ajoute l’anxiété, la gestion des traumas et une exposition accrue aux risques de violence. Le manque de sensibilisation est également criant, notamment sur les droits autour de la grossesse, des soins pré ou périnataux et des possibilités de sexualité épanouissante.
Des traitements pas toujours observés
« Aujourd’hui, les traitements permettent d’arrêter la transmission du virus. C’est une honte qu’il y ait encore des personnes qui meurent du VIH au Canada, à cause de la non-observance du traitement ou par suicide. Cela dénote un manque cruel de soutien et de prise en charge physique et psychologique », s’insurge la responsable de l’ACPNET BC.
La non-observance du traitement, plus fréquemment observée chez les femmes, est parfois attribuable à des croyances culturelles où les effets secondaires de la toxicité des molécules antirétrovirales sont perçus comme de véritables poisons. En outre, les effets de ces molécules peuvent aussi être jugés trop importants, comme l’aggravation de l’ostéoporose et des symptômes liés à la ménopause. Enfin, les maladies mentales, telles que la dépression et les addictions, peuvent également influer sur le respect du traitement.
Pourtant, seul un traitement rigoureux permet une diminution de la charge virale à un niveau indétectable. Couplé à une protection ou à un traitement de prévention efficace, c’est le seul moyen d’empêcher la transmission du virus.
Les immigrantes séropositives, la plupart du temps en situation de handicap, font non seulement face à des problèmes financiers mais doivent aussi affronter l’isolement social, linguistique et culturel qui aggrave leur situation de détresse. Pour ces raisons, selon Patience Magagula, elles ont besoin d’un endroit sécuritaire, d’un accès à de l’information et à un suivi sur le long terme.
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