Que sais-je ? Pas grand chose. Cette lacune explique la difficulté que j’éprouve parfois à me forger une opinion ou, à l’occasion, prendre des décisions. Je me retrouve assez régulièrement assis entre deux chaises, incapable de me faire une idée, inapte à choisir un côté plutôt qu’un autre. Je dois toujours peser le pour et le contre en espérant avoir fait le bon choix car je déteste me fourvoyer et être induit en erreur. Philip Roth l’aurait formulé ainsi : Je suis agité de pensées confuses et contradictoires.
J’aimerais tellement voir la lumière au bout du tunnel. J’aimerais que l’on m’éclaire, être mieux informé et ainsi faire des choix judicieux. Mais, là où le bât blesse, là où les difficultés commencent, là où le diable pointe son nez, secoue sa queue et brandit ses cornes, là où je mets en doute mes certitudes m’amène à conclure que trop souvent on ne nous dit pas tout, qu’on nous cache la vérité, qu’on essaie de nous tromper, qu’on manque de transparence, qu’on nous infantilise (trop de qu’on peut-être ?)
et qu’à dessein, je ne l’ignore pas, je sois maintenu dans l’ignorance, pris entre deux feux. D’où mon extrême prudence, d’où ma grande méfiance, d’où mes hésitations à prendre parti. Qui croire ? Trop d’ambiguïtés à déceler. Trop de contradictions à dépister. Trop souvent, à mon grand regret, je baigne, je piétine et je m’enlise dans le doute, ce qui ne serait pas pour déplaire à Voltaire sans que j’écarte Descartes.
Par exemple, je ne sais pas sur quel pied danser lorsqu’il s’agit de prendre position par rapport aux événements politiques qui secouent actuellement le Canada, notamment nos relations avec la Chine. A-t-on eu tort ou raison de renvoyer John McCallum de son poste d’ambassadeur du Canada en Chine suite à ses propos favorisant une solution politique plutôt que juridique en vue d’un règlement dans l’affaire Meng Wanzhou, dirigeante de Huawei, la géante entreprise chinoise de télécommunications et d’informatique ? Est-ce que McCallum a vraiment desservi les intérêts du Canada au profit de ceux de la Chine en allant de l’avant avec ses déclarations ?
Difficile à dire car on ne nous dit pas tout. On ne sait pas tout. Situation complexe et embarrassante. Me voilà, je l’admets, coincé entre le dragon et le sirop d’érable. Comment le Canada va-t-il pouvoir, face à l’empire du panda, faire son miel et son beurre ?
Mes soucis ne s’arrêtent pas là. Regardez ce qui se passe au
Venezuela. Je ne comprends rien à la situation. Je ne sais pas si c’est du lard ou du cochon. Vous avez d’une part Nicolas Maduro, l’actuel président autoritaire de la république vénézuélienne, fortement contesté mais soutenu par Vladimir Poutine, et d’autre part Juan Guaido qui s’est autoproclamé président soutenu, lui, par Donald Trump. Vous parlez d’un choix. Je me trouve pris entre la faucille et le marteau (l’enclume ayant fait sa valise). De quoi être méfiant et se rappeler qu’un dictateur, comme un train, peut en cacher un autre. Tout cela augure mal. Une fois de plus c’est le peuple vénézuélien qui va trinquer.
Autre situation qui m’angoisse : celle des « gilets jaunes ».
Me voilà coincé cette fois-ci entre l’arbre et l’écorce. Pour qui prendre parti ? À priori ma première réaction serait de choisir celui du peuple. Mais est-ce que les « gilets jaunes » représentent le peuple ? Ce n’est pas évident à la lumière des sérieuses dérives que l’on peut constater à l’intérieur de ce mouvement où l’extrême gauche et l’extrême droite, aussi bizarre que cela puisse paraître, semblent faire bon ménage. Le chaos ne me fait pas peur. Il a parfois du bon et peut donner d’excellents résultats. Non, ce que je crains c’est que ce soulèvement, de par sa nature, serve les intérêts de Marine Le Pen et autres factions fascistes. Quelle horreur. Rien que d’y penser j’en ai la nausée.
En face de ce que je ne peux appeler ce beau monde, vous avez maintenant les « foulards rouges » qui soutiennent le gouvernement Macron et s’opposent aux « gilets jaunes ». Il ne manquait plus qu’eux. Être pris entre bonnets jaunes et bonnets rouges tant qu’à faire, prenez note, je préfère les sans-culottes. Où sont ces derniers maintenant que les Français ont besoin d’eux ?
Finalement, le dilemme le plus sérieux auquel je dois faire face, celui qui me cause des cauchemars et me crée des soucis, celui qui exige de ma part une profonde réflexion, celui qui pose l’éternelle question pas encore résolue : Qui vient en premier, l’œuf ou la poule ? En toute franchise j’ai de la peine à choisir. Entre les deux mon cœur balance. La poule, elle, par contre, j’en suis convaincu, s’en balance. Chanceuse.